Journal des procès n°253 (21 janvier 1994)

Lu quelque part, mais où ? (sans doute dans un roman anglais du XIXème)  qu’il est probablement peu de personnes qui, étant amenées professionnellement à faire preuve avec constance de la plus grande urbanité, ne se surprennent, seules devant un miroir, à faire des mines sévères et à rêver, quasi à leur insu, de coercition voire d’injures.
On dira qu’on n’est pas plus maître de ces choses que de nos rêves – mais finalement, les rêveries ne sont-elles pas les plus redoutables ? Elles ressortissent au spectacle qu’en I’espèce on se donne à soi-même, à des représentations à huis clos, comme font ceux qu’on voit parfois parlant tout seuls au volant de leur voiture (songeons toutefois qu’ils se récitent peut-être un poème ?).
C’est à ces spectacles secrets que se réfèrent instinctivement les criminels de tous ordres qui massacrent en Yougoslavie et ailleurs. Un écrivain italien, injustement oublié, Pitigrilli, esquissait un immense programme à cet égard en disant d’un de ses personnages de Dolico blonde, qu’il se conduisait toujours, par exemple dans sa salle de bain, comme s’il n’était pas seul mais en public. Cette discipline est un peu terrifiante et peut-être offre-t-elle quelque surface à la critique en ce que sans un brin de laisser-aller on fait l’ange et donc la bête.
La question est néanmoins de savoir, disait l’auteur anglais, si les guerres nationales ou civiles seraient possibles sans ces instants où les plus urbains vocifèrent ou font des mines devant leur glace ?

Philippe Toussaint


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Journal des procès n°252 (7 janvier 1994)

Chères Lectrices, chers Lecteurs, Sire, Messieurs les cardinaux et les hauts ou bas magistrats, Mesdames et Messieurs les ministres, Messieurs les hospodars héréditaires , chers amis de tout poil, en ces beaux jours à peine un peu plus vieux de la nouvelle année, nous venons vous présenter, d’un cœur sincère et sans apprêts, en prose et non en vers faute de temps et d’un dictionnaire des rimes, nos meilleurs vœux. Sachez qu’ils ne sont point formels ni vains car ce sont ceux que l’optimisme nous dicte, persuadés que nous sommes qu’il est la meilleure méthode de gouvernement, à commencer de soi.
Les chances sont comme les topinambours ou les carottes, il suffit d’en planter ou semer congrûment les tubercules ou les graines pour qu’elles sortent de terre ! Tout est possible, sinon à portée de main, en 1994 à la seule condition de le vouloir et partant, de savoir ce que nous voulons. C’est ce qui ne dépend certes pas d’un programme mais ressortit plutôt à un état d’esprit. Les méchantes gens sont d’abord et toujours des pessimistes, comme Emmanuel Kant le démontrait admirablement : leur égoïsme ne saurait épanouir leur nombril que s’ils sont seuls à le cultiver. Érigée en loi universelle, leur volonté s’effondrerait.
Nos vœux, notez-le bien, sont précis. Ils participent en somme de la discipline, celle du sourire à chaque occasion, et notamment à destination des personnes du sexe opposé, de l’art, si malaisé parfois, de calmer le jeu quand le ton monte, du parti-pris d’être gentil plutôt que bon, car la modestie est expédiente, et de troquer enfin une fois pour toutes la superbe contre l’équanimité. Le génie ne peut rien contre le talent…
Tout est possible en 1994, vider les prisons et faire la paix en ex-Yougoslavie, guérir ses écrouelles et reprendre le dessus.
“C’est bien joli tout ça, mais…”grommellent les pessimistes. D’emblée, leur défaite est consommée car il tombe sous le sens que si c’est joli, c’est qu’on est dans le bon ! Il n’y a pas moyen, le voudrait-on, de se tromper quand on chante juste. Voyez les petits oiseaux dont notre ami Paul Foriers disait que les juges leur ressemblent – ou le devraient – quand ils rendent leurs jugements ! Bonne année, bonne santé morale !

Philippe Toussaint


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Journal des procès n°251 (24 décembre 1993)

Nous avons tous deux ou trois idées -Jankélévitch disait que les plus grands n’en ont que cinq ou six, et beaucoup une seule, la valorisation de leur nombril – autour desquelles nous tournons. A la vérité, c’est plutôt elles qui nous ont ! Elles nous cernent, nous envahissent bon gré mal gré.
Pour nous, une de ces idées-mères est que tout progrès implique un recul – moins grand le plus souvent que l’avantage nouveau et c’est donc un progrès mais, d’aventure, le recul peut prendre de l’ampleur. Ainsi par exemple pour l’invention de l’imprimerie. Sans elle, la Réforme n’eut assurément pas eu le même succès, donc pas de Contre-Réforme, et qu’eût été la Renaissance sans elles ? Luther disait qu’avec la Bible, chaque chrétien était le Pape. Encore ces chrétiens durent-ils apprendre à lire, ce qu’il firent et, grâce à Dieu si on ose le dire, ils ne lurent pas que la Bible ! Progrès immense et recul considérable. Si nous comparons les textes édités, sous forme de manuscrits, pendant la première moitié du XVe siècle à ceux qui furent imprimés pendant la seconde moitié, quel effondrement ! A des ouvrages antiques ou modernes qui honoraient l’esprit humain, succédèrent les romans de chevalerie, qui étaient les romans de gare de l’époque. C’est que l’investissement était énorme pour un imprimeur. Il devait vendre rapidement ses livres : les droits d’auteurs n’existaient pas et si un ouvrage avait du succès, il était immédiatement copié. Il fallait épuiser le marché d’un coup, d’où cette baisse de qualité – sauf la Bible, s’entend.
C’est qu’il manquait encore un personnage : l’éditeur. Il apparut au début du XVIe. Alors, on vit Érasme discuter avec Alde Manuce, à Venise, de la publication des Colloques, Jean de Tournes à Lyon s’entretenant avec Guillaume Budé, Froben à Bâle et tant d’autres qui avec les auteurs formaient en somme le projet de l’Humanisrne, les uns et les autres étant en effet des humanistes.
L’un n’était rien sans l’autre, l’autre ne pouvait rien sans l’un, C’est encore vrai aujourd’hui et, fermant les yeux, lorsqu’on pénètre dans une maison d’édition de grand prestige, y voyant par exemple d’éminents juristes accueillis par celui qui va les éditer, on peut rêver d’Érasme et d’Alde Manuce, de Froben et Thomas More. C’est pourquoi nous avons de I’estime et de l’amitié pour ces éditeurs d’hier et d’aujourd’hui sans qui l’honneur de l’esprit humain ne serait pas ce qu’il est !

Philippe Toussaint


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Journal des procès n°250 (10 décembre 1993)

Comment s’appelait-il, qui êtait-il ? On devrait bien pourtant lui élever un monument en forme de tulipe, dont Tristant Derême suggérait qu’on les semât dans les oreilles, Traduit devant quelque cour extraordinaire pour complot contre l’Etat et sommé par le président de dire quels étaient ses complices, il eut ce mot superbe que n’importe quel acteur rêverait de lancer devant un parterre trépignant d’enthousiasme :
– Toute la France et vous-même, monsieur le président, si j’avais réussi !
Panurge y voyait plutôt des moutons et se tapait les cuisses qu’ils fussent si grégaires et impulsifs. De même, l’escroc parfaitement pur annonçant dans les journaux qu’il ne reste que huit jours pour lui envoyer mille francs, devient riche avant la fin de la semaine. Tout de même, on créait un contrat : les juristes sont toujours ponctuels à ramener de I’ordre, même dans la poésie, La Fontaine maniait le vers mieux que Victor Hugo, car avec plus de simplicité, laquelle est la condition du grand art. Témoin ce passage des Contes :
“Que doit faire un mari dont on aime la femme ?
Rien.”
Ce n’est pas ainsi que l’entendent les législateurs depuis que les hommes cachent dans leur culotte une petite paire de couilles et les femmes autre chose sous leurs jupes, à quoi les unes et les autres attachent de I’importance. Que si, pourtant, on avait suivi le conseil du fabuliste, quelle économie de savants ouvrages, de jugements, d’arrêts, de gloses, tout ça pour :
“Rien.”
Tout passe, casse et lasse qui n’est pas édifié sur les sables de I’instant. La rose n’est jamais déclose et le lit des déesses est aussi leur sourire.

Philippe Toussaint


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Journal des procès n°249 (26 novembre 1993)

Paul Léautaud, pour qui tout écrivain qui recevait un prix littéraire était déshonoré, et qui n’avait lui-même, disait-il, accepté le Goncourt “que pour l’argent”, détestait opiniâtrement Jean Giraudoux. Il tenait que son oeuvre était à destination des “archicubes”, les anciens de Normale Supérieure. Léautaud détestait ces ouvrages écrits du bout de la plume, et insoucieux des dures réalités.
Comme cet ami de Goethe dont, suprême ironie, nul ne se souvient plus, il ressassait inlassablement le constat que le pauvre n’est pas seulement malheureux mais ridicule.
Giraudoux, quand à lui, roucoulait de plaisir en écrivant dans Bella qu’une de ses héroïnes, prostituée de son état, se sachant guettée dans un bar par un policier qui serait prompt à l’accuser de racolage et voulant néanmoins remonter un de ses bas, commença sur elle-même le lent travail de I’ambassadeur qui, au moment où il s’incline respectueusement devant un chef d’Etat pour lui présenter ses lettres de créances, sent céder ses bretelles.
Il y a là une vision du monde qui exaspère ceux que les drames et tragédies mobilisent. Insupportable fatuité, protestent-ils, de ceux qui sourient avec une hautaine indulgence, par opposition avec ceux qui rient ravageusement.
Mais comment choisir entre Montaigne et Rabelais, entre la lame qui délicatement tue sans presque faire saigner et le gourdin qui écrabouille Prichocolle, “ce que voyant, cuidé-je me conchier de joie” ? Après tout, Voltaire savait que Rousseau était un grand homme dont il ne partageait pas les idées (“mais je me battrais pour que vous puissiez les exprimer”) et l’accueillit fraternellement à Ferney. Cinq minutes. Après quoi il le trouva décidément imbuvable et n’eut plus qu’une envie, le flanquer à la porte comme Candide l’avait été lorsqu’on l’avait surpris à embrasser mademoiselle Cunégonde derrière un paravent : à grands coups de pied dans le derrière !
La tolérance et toutes ses sortes de choses dont nous parons volontiers notre ego, ne résistent guère plus d’un instant, pauvres de nous, au choc des inimitiés instinctives.

Philippe Toussaint


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Journal des procès n°248 (12 novembre 1993)

Léon Blum faisait observer, dans une préface qu’il écrivit un jour aux Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos, que si des héroïnes de ce roman I’emportaient en perfidie sur les hommes, c’est que les femmes furent plus longtemps réduites en esclavage, de jure ou de facto. On trouve pourtant beaucoup de réactions d’esclaves dans la réalité sociale chez les hommes comme chez les femmes. Ainsi l’exclamation, si fréquente, lorsque quelque chose n’a pas été exécuté comme il était souhaitable : “Ce n’est pas de ma faute !” Réaction désastreuse car, s’il ne s’agit pas d’un sabotage, l’important n’est évidemment pas que ce soit de la ‘faute” de qui que ce soit mais de savoir, moins pourquoi que comment quelque chose a foiré. Le seul but étant que cela ne se reproduise plus, pour le plus grand bien général. C’est ce qui est presque impossible à expliquer de manière convaincante à l’immense majorité de ceux qui craignent de perdre leur place, exactement comme un esclave se souciait avant tout d’éviter le fouet mais se fichait pas mal des projets de son maître, lequel au demeurant ne songeait pas, fatale erreur, à les lui représenter.
Il est clair que lorsqu’un collaborateur, et non un esclave, dit “ce n’est pas de ma faute” il perd ipso facto tout crédit. Il serait mille fois préférable, pour lui, de constater que c’est de sa faute ! Mais encore faudrait-il que, de l’autre côté, on n’en profitât point…
Comme les relations sociales gagneraient à être sur pied d’égalité ! Malheureusement, les vanités s’en mêlent, la vieille et fausse idée que le patron est “maître chez lui” resurgissant à point nommé, tandis qu’il est le premier serviteur de son entreprise. La peur dicte fréquemment les réactions des autres, mauvaise conseillère s’il en est. En un mot comme en cent, la dignité se paie, elle n’est jamais le lot chanceux ni des uns ni des autres !

Philippe Toussaint


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Journal des procès n°247 (29 octobre 1993)

Le premier qui tient la porte ouverte pour laisser passer une dame est bon  pour la tenir ouverte jusqu’à la fin de la queue. Encore heureux si le dernier ne lui dit pas “merci mon ami” et ne lui glisse pas la pièce ! Ainsi en va-t-il dans beaucoup d’autres domaines : le plus petit geste de bonne volonté ou de politesse vous engage démesurément et si, d’aventure, excédé, vous lâchez la porte rabattante, attendez-vous à une réaction scandalisée, car le pli était si bien pris que le suivant le reçoit en pleine figure ! Et c’est de votre faute !
On a d’abord envie de sourire lorsqu’un automobiliste double une interminable théorie de voitures sur la gauche puis, sans vergogne, s’empare de la première place en se rabattant impérieusement sur la droite et gagne un temps certes médiocre en soi, cinq minutes au plus, mais qui proclame en quelque sorte les avantages de la brutalité et de la grossièreté.
Plus comique est l’air innocent de celui qui se présente à la caisse express d’un grand magasin avec une charrette bourrée de marchandises. Si la caissière le lui fait remarquer, il tombe des nues et, sans tarder, trouvera mesquin qu’on attache une telle importance au règlement. Mais toute votre bonne humeur revient quand, par contre, s’avisant que vous ne devez payer qu’un ou deux objets, le client précédent vous invite à passer devant lui. Rien n’est jamais perdu et après tout malins et tricheurs ne savent pas ce qu’ils perdent : un sourire amical.
Dans le même ordre d’idées, un ami nous racontait que I’automobiliste qui, obligeamment, le ramenait chez lui en pleine nuit, conduisait avec ses grands phares allumés. On lui en fit la remarque et il répondit (de la meilleure foi du monde ?) : “Si j’utilise mes phares de croisement, je ne vois plus rien !” Amusons-nous…

Philippe Toussaint


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Journal des procès n°246 (15 octobre 1993)

Rien ne sert de courir, il y a quand même des bouchons sur les routes ! Mais quand on n’a pas de tête, il faut de I’essence pour retourner à la maison quérir le document qu’on y a oublié. Ainsi serait-il temps de mettre les adages, maximes et expressions qui firent fortune, au goût du jour. Le laboureur dit maintenant à ses enfants que c’est le fond qui manque le plus et non le moins, le tout n’étant pas de bien travailler mais d’avoir du travail. Au reste, labourer, c’est créer des surplus agricoles, ce qui devient incivique. Cette leçon vaut-elle un fromage au lait entier ou écrémé ?
Le cœur a ses raisons que la raison connaît parfaitement depuis Proust et quelques autres. Après la pluie, rarement le beau temps, le Pacte social qu’on nous concocte le démontrera sans doute. Enfants, cachez vos rouges tabliers – je dis ça, mais je ne dis rien ! – et je me nourris, vous le voyez assez, de beau langage et non de bonne soupe qui est un manger savoureux mais vulgaire.
Jouons, jouons avec les mots qui se jouent de nous mais dans cet océan d’à peu près que Raymond Queneau annonçait génialement en écrivant : “Allo ? M. le copissaire de molice ? Il n’y a pas une pinute à merdre !“, aussi ponctuel que le retour des saisons et vaste comme le ciel étoilé au-dessus de nos têtes, continue de scintiller le poème de Nerval : Je suis le Ténébreux, le Veuf, l’Inconsolé, le Prince d’Aquitaine à la Tour abolie…

Philippe Toussaint


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Journal des procès n°245 (1 octobre 1993)

Pline l’ancien dont, à tort, nous relisons rarement l’Histoire du Monde, dit des rossignols que c’est miracle qu’une voix si hautaine sorte d’un si petit corps, et qu’il puisse tenir si longtemps haleine.
D’avantage, dit Pline, traduit ici par Antoine du Pinet, il a un chant ‘fort accordant, et parfaitement Musical : car quelquefois il fait ses tons longs, et quelquefois il fredonne : et d’autres fois il couppe son chant court : tantôt il assemble sa voix comme de crochets musicaux ; et d’entre-lasseures : puis la reprenant, il l’allonge, et quelquefois il l’obscurcit, usant de feintes au dépourvu. Une autrefois il gazouïllera entre soi-même, conduisant ses tons d’une même haleine, chantant maintenant pesamment, comme par semibrèves : baissant maintenant sa voix, la haussant quelquefois, et maintenant se dégoisant dru et menu. Quelque fois aussi il fera ses poincts d’Orgues, jettant sa voix haute comme une fusée, quand il lui plaît : tenant ores le dessus, maintenant la taille, et quelque fois la basse-contre. Pour conclusion, il n’y a instrument au monde, où on puisse trouver une Musique plus parfaite que celle qui fredonne en cette petite gorge.”

Quel beau texte ! Toutefois, les fusées existaient-elles, ailleurs qu’en Chine, au premier siècle de notre ère ? Et Antoine du Pinet n’a-t il pas traduit anachroniquement ? Mais ce n’est qu’un détail…

Philippe Toussaint


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Journal des procès n°244 (17 septembre 1993)

Apologue (fable présentant une vérité morale) de Kabylie. Une femme, enlevée de force, échappa à ses ravisseurs et rencontra un lion qui la prit sur son dos et la ramena sauve dans son village. Les amies de cette femme se réjouirent de la revoir et lui demandèrent qui l’avait sauvée ?
C’est un lion, répondit-elle. Il a été très bon pour moi mais a mauvaise haleine !
Les amies rirent sous cape mais le lion, qui était caché tout près de là, entendit le propos et n’en rit point. Une nuit, la femme se rencontra avec lui et le lion lui dit :
Prends un bâton et frappe-moi !
Non, répondit-t-elle, car un lion m’a rendu service, je ne sais si c’est toi ou un autre, car les lions se ressemblent tous.
C’est moi, dit-il. Frappe, et fort, ou je te mange !
La femme prit un bâton et le frappa si fort qu’elle le blessa.
Maintenant, tu peux partir, dit-il.
Plus tard, la femme et le lion se rencontrèrent à nouveau.
Regarde l’endroit où tu m’as blessé, dit le lion, est-il guéri ?
Il l’est, dit la femme, en caressant I’endroit.
Une blessure se guérit en fait souvent toute seule, dit le lion, mais
non le mal que fait une méchante parole.
Et alors il l’emporta et la mangea. Les lions sont des hommes et quand on dit qu’ils mangent des femmes, on entend qu’ils les prennent, mauvaise haleine ou pas, sur leur dos – la préposition “leur” laissant subsister un sérieux doute quant au dos de qui.

Philippe Toussaint


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