MELAGE : L’âme belge, Poèmes pour le centenaire (1930)

MÉLAGE (F.). L’âme belge. Poèmes pour le centenaire. Carlsbourg, Édition de la revue belge de pédagogie, 1930; in-4, 60 pp., broché, couverture rempliée. Avec les illustrations de F. Mabin-Joseph.

Nous avons transcrit l’intégralité du texte dans la POETICA…

Curieux ? Téléchargez le document complet ici…

Open System Project – Musiques diverses (1983-1985)

Ouais… ‘y a mieux, comme titre… Mais on n’imagine pas combien l’acronyme perfide recèle de peu glorieuses mutations. Une fois qu’on sait qu’il s’agit d’Open System Project, le doute n’est plus permis…

Lisez la suite de la transcription complète du dossier de présentation de l’Open System Project dans wallonica.org (dossier rédigé… en 2024, par Alain Croibien) ou téléchargez-le ici (avec un index complet des artistes qui sont commentés dans les 15 numéros de la revue)…

Les quinze numéros du magazine sont téléchargeables via les liens ci-dessous : servez-vous !

Mama Roma Show (Liège, 1978-2012)

Avez-vous remarqué comme il est difficile parfois de déterminer avec précision le début d’un événement ou le départ d’une aventure? L’histoire de l’aviation ou du cinéma n’a pas débuté un jour X à une heure X parce que, subitement, un avion a volé 15 mètres ou que 3 spectateurs ont vu des images animées tressauter devant leur yeux apeurés. Non, bien sûr. Avant d’en arriver là, il aura fallu une somme de hasards, de recherches, de désespoirs, de signes avant-coureurs difficiles parfois à déceler pour dire : Enfin, la grande aventure commence !

Il en est de même pour le Mama Roma Show (dans des proportions bien réduites, restons les pieds sur terre !). Dire que tout a commencé en 1978 est un peu simpliste. Il y avait déjà 15 ans que Louis faisait tordre de rire des salles entières dans des scènes comiques. Henri faisait déjà du théâtre (savez-vous qu’il est diplômé du Conservatoire d’Art Dramatique ?) et il réalisait déjà — mal ! — des petits costumes à 5 sous…

Pour lire la transcription complète de la brochure, jetez un coup sur wallonica.org ; sinon, vous pouvez télécharger le programme du spectacle de 1986 au Trocadero de Liège, ici…

HAUTES FAGNES (revue trimestrielle n°2, 1951)

Pour la Défense et l’illustration du Haut Plateau

Hautes Fagnes : organe trimestriel de Défense et Illustration du Haut Plateau, publié par l’Association sans but lucratif “Les amis de la Fagne” (17ème année, n°2, 1951, fascicule XLII), sous la Présidence de M. Antoine Freyens, à Polleur, imprimé chez Jules Plumhans sprl à Verviers (près de l’école St-Antoine)…

Que le printemps l’éveille en de vertes poussées,
Ou que l’été la grille au soleil rutilant ;
Que l’automne l’émaille en des ocres foncées,
Ou que l’hiver l’endorme en son grand manteau blanc
LA FAGNE EST TOUJOURS BELLE !

Elisée HARROY, un des premiers chantres de la Fagne

Dans ce numéro : HOLLANGE Louis, La fagne aux sortilèges (pièce en 3 actes et en vers, création au Grand-Théâtre de Verviers le samedi 8 décembre 1945) :

En 1885, le postillon Wilhelm Steinberg, en service à la malle-poste Eupen-Malmédy, fait relais à chaque voyage à l’Auberge du Mont Rigi. C’est là qu’il rencontre Pauline Jentgès, jeune fille habitant Mont-Xhoffrais avec sa grand-mère. Pauvre et orpheline, Pauline s’est louée pour les travaux de l’auberge ; elle regagne chaque soir sa chaumière de Mont. Les jeunes gens ne tardent pas à s’aimer et à former des projets d’avenir.

A la même époque, Gilles Manfeld, un vieux herdier superstitieux et contrefait, fait paître son troupeau dans les fagnes du Haut Plateau. Gilles a remarqué Pauline ; peu à peu, il sent grandir en lui une passion insensée qu’avivent encore certains signes favorables qu’il croit avoir observés en Fagne. Chaque soir, il rôde aux abords de la route pour y voir passer Pauline ; celle-ci se sent vaguement surveillée ; elle a peur ; elle s’ouvre de ses craintes à Wilhelm qui la réconforte.

Cependant, Gilles Manfeld a surpris l’idylle des jeunes gens et il en éprouve une douleur profonde. Sous le coup de ses sentiments exacerbés, le herdier aborde la jeune fille, lui avoue son penchant et l’implore. Pauline, effrayée à la vue de ce vieillard disgracié, le repousse avec horreur ; tandis qu’elle s’enfuit, Gilles lui crie qu’il se vengera.

En août 1885, alors que des manoeuvres militaires amènent à l’auberge une foule bruyante, Gilles Manfeld se glisse inaperçu dans la grange et il se pend au brancard d’une charrette.

Peu de temps après sa mort, on constate des choses étranges : dans l’étable de l’auberge, les bêtes, paisibles d’habitude, s’inquiètent et s’affolent ; Blanc-Pi, le chien du berger mort, paraissant obéir à des ordres secrets, tente de ramener le calme parmi le bétail effrayé. Pauline devient triste et songeuse ; des visions la poursuivent. N’a-telle pas cru voir le spectre de Manfeld l’accompagner le soir, sur la grand’route ? Enfin, pour comble d’angoisse, des paysans entendent d’une hiette fantômale, la galopade nocturne : des piétinements, des cris, des bruits de sonnailles, des abois de chien ! C’est la vengeance de Gilles Manfeld, dont l’âme en peine hante les lieux de sa folie, avec un troupeau de cauchemar !

Et la légende prend corps : la hiette reviendra aussi longtemps que Pauline ne sera pas mariée et celui qui, en l’épousant, conjurera le mauvais sort, s’exposera à dépérir dans l’année.

Wilhelm Steinberg, qui apprend la fatale prédiction, espace ses visites à Pauline. Vers la fin de 1885, on ne le revoit plus sur le Haut Plateau. C’est pourquoi, d’après les vieux, la Fagne restera hantée ; c’est pourquoi Pauline restera fille dans l’attente vaine de son fiancé…

D’après Le Secret du Pendu d’Albert BONJEAN (Légendes et Profils des Hautes Fagnes).

Pour vivre le drame :

ESPERANTO : Cinq héros sur le mont Langja (Pékin, 1977)

Au bénéfice de votre cliquante curiosité, nous avons sacrifié dans nos archives une perle documentaire hors de laquelle point de salut. La petite brochure que nous proposons à votre téléchargement date de 1977. Malgré notre totale méconnaissance du chinois, nous avons pu deviner que l’opuscule était un document de propagande car il en avait toute la superbe visuelle : le cadrage des images, le graphisme stylisé, la dramatisation des postures (le cinéma muet n’est pas loin) et l’usage des couleurs laissent deviner la teneur du texte de chaque page. La chose a été confirmée dès que nous avons passé des extraits du texte dans des traducteurs automatiques en ligne. Cette brochure de propagande chinoise (éditée à Pékin) fait l’apologie du courage guerrier de cinq soldats de l’armée populaire et est rédigée… en espéranto !

Un synopsis décrit les événements en ouverture du document :

À l’automne 1941, les agresseurs japonais lancèrent une opération de ratissage vers le [Sanhi-êahar-Hebei-a], une région frontalière contrôlée par le Parti communiste chinois. Lorsque les ennemis atteignirent la région montagneuse de Langja à l’ouest du comté de Ji dans la province du Hebei, un régiment de la Huitième Armée [de Route] a décidé de se déplacer vers une ligne extérieure pour les exterminer. Cinq camarades, le caporal Ma Bauju, le caporal suppléant Ge Genlin et les combattants Hu Delin, Hu Fucaj et Song Hjueji, restèrent là pour couvrir le transfert et arrêter les ennemis. Ces cinq héros, avec un réel esprit d’abnégation, ont délibérément attiré les ennemis vers un précipice. Ils ont mené une bataille déterminée contre les ennemis et ont courageusement sauté dans un abîme, après avoir jeté sur les ennemis leur dernière grenade. Ces héros incarnent la noblesse et l’héroïsme du peuple armé dirigé par le Parti communiste chinois.

Pour en savoir plus et, surtout, pour apprécier l’éclat visuel de la brochure :

LES BRINDILLES ET LES RAYONS : projet ARBRES AU CENTRE (2024)

As-tu déjà pensé à regarder les arbres de ta rue ?

Arbres au Centre est un projet qui met en lumière l’arbre urbain. Il invite à prendre le temps d’observer et de ressentir les arbres – personnalités multiples, uniques et non interchangeables – qui font le visage de la ville. Renouer avec nos propres histoires d’arbres, c’est entrer dans le temps long, dans nos profondeurs.

La période électorale étant concomitante avec notre action, nous interrogeons aussi les pouvoirs publics. Nous souhaitons que l’attention soit portée à persévérer dans la dynamique de plantation, en accordant de vrais espaces pour que les arbres d’envergure puissent se déployer en sous-sol comme au grand air ; mais aussi à préserver et soigner scrupuleusement le patrimoine inestimable constitué par les arbres anciens. L’action de ces doyens pour capturer du carbone et rafraîchir la cité reste sans commune mesure avec celle de très jeunes arbres encore frêles et fragiles.

Le présent recueil rassemble une sélection d’images et de textes dédiés à l’arbre urbain faisant suite à notre appel à participation au printemps 2024. L’ensemble des propositions réunies sera mis à l’honneur durant les mois d’été 2024 par le biais d’un affichage massif aux fenêtres d’habitations privées, de vitrines commerciales, dans les lieux culturels et sur des espaces d’affichage public souvent délaissés (plus particulièrement les colonnes Morris). Cette action poursuit l’idée de créer des petits coins de forêts inattendus et plantations surprenantes dans toute la ville. Notre ultime volonté est de susciter le débat public. […] Merci à Art au Centre, qui soutient activement le projet et nous permet de nous infiltrer dans sa dynamique de revitalisation du centre-ville de Liège…”

Les brindilles et les rayons

Parmi les contributeurs : Véronique Alain, AnSo Arnould, Marianne Baibay, Aurélie Bastin, Brigitte Ber, Delphine Bouhy, Boumboum James, Christiane Bours, Jean-Paul Brohez, Damien Bulthuis, Vincent Cornerotte, Olivier Cornil, Joao Costa Leal, Catherine Daele, Caroline Dallons, Laurent Danloy, Morgane Dawans, Cora Debain, Thomas Defourny, Corinne Donnay, Sandrine Dryvers, Daniel Dutrieux, Florence Evrard, Camille Feldmann, Fifi, Lyse Fouarge, Raymond François, Christophe Gilot, Sophie Goblet, Pierre Gonda, Jean-Marie Graas, Stéphanie Grisard, Emilie Hennen, Benjamin Hollebeke, Alain Janssens, José Kehl, Ray Kervan, Manu Kodeck, Marie Lechat, Jean-Luc Lepiece, Karel Logist, Lilly Lulay, Denis Maessen, Yves Mahiels, Paul Mahoux, Thomas Mailleux, Marine Mako Koenig, Simon Médard, Seeta Muller, Philippe Musch, Annick Neuberg, Miranda Pastor, Julian Perelman, Fabienne Petitjean et Louis le Chat, Charline Pichault, Esméralda Plateaux, Lisbeth Renardy et Molly, Laurence Renders, Jean Renouprez, Muriel Tihange, Sophie Ubaghs, Eric Van Den Berg, Antoine Van Impe, Athanasia Vidali, Vol au Vent, Stefan Wasser, Pascale Werres, Bénédicte Wesel, Gabrielle Wilmotte, Jhézabel Winkin, Lilou Woimant-Vanderbiste

Les collégiales liégeoises (n° 5 – Liège : Histoire d’une église, 1991)

      • AUTEUR : Marylène LAFFINEUR-CREPIN, Animation Chrétienne et Tourisme,
      • EQUIPE DE REDACTION : Abbé Jean-Pierre DELVILLE, Abbé Alain HENRY de HASSONVILLE, Marylène LAFFINEUR-CREPIN,
      • MAQUETTE : Studio Bernadette BAYLE – Strasbourg,
      • EDITEUR : Editions du Signe -4 rue Ettore Bugatti – BP 94 – 67038 ECKBOLSHEIM STRASBOURG – FRANCE – Téléphone : 88 77 27 65,
      • EDITIONS DU SIGNE © 1991 – ISBN 2-87718-063-8

VISITEUR,
Tu vas pénétrer dans le porche de Saint-Jacques. Lève les yeux vers Jacob. Vois, dans le médaillon buriné, l’homme qui s’éveille. Il a vu en songe l’échelle joignant terre et ciel, où montent et descendent les anges de Dieu. Distingue l’inscription presque effacée sur le linteau de la porte. Ecoute le cri de Jacob : Quoi d’autre ici, sinon la maison de Dieu et la porte du ciel ! Franchiras-tu la porte ? Jacob te guide. Connaîtrait-il l’hôte de ces lieux ? Une nuit, il s’est battu avec Dieu (Gen 32). Toi aussi, peut-être ? L’autre nuit, il s’est émerveillé, à l’union de la terre et du ciel. Avec lui, laisse-toi émerveiller, toi aussi !

Jean-Pierre Delville

Extraits…

Liège, cité de dieu en bord de Meuse

Esquisser le paysage urbain de Liège, c’est -jusqu’à la Révolution- tracer les bras du fleuve dans une forêt d’édifices religieux. On en compte alors pas loin de cent, d’ampleur très diverse. Les souches principales, celles qui pendant huit siècles domineront la Cité, on les doit presque toutes à Notger (972-1008), premier des princes-évêques -le plus grand aussi- de la principauté. Comme d’autres évêques de son temps, Notger a voulu faire de Liège une nouvelle Jérusalem, une Cité de Dieu. Il a orné la cathédrale Sainte-Marie-et-Saint-Lambert, qu’il a superbement reconstruite, “d’une couronne de collégiales et d’abbayes qui formèrent un rempart spirituel appelé à doubler et à consolider les murailles de pierre dont il avait entouré sa ville” (J.-L. Kupper).

Sept, un nombre sacré

Sept occupe une place privilégiée dans la symbolique des nombres. Les jours de la semaine, les sages de la Grèce antique, les merveilles du monde, les paroles du Christ sur la croix, les sacrements, les vertus, les péchés même vont par sept. Sept, c’était aussi le nombre des collégiales liégeoises : Saint-Pierre, Saint-Martin, Saint-Paul, Sainte-Croix, Saint-Jean l’Evangéliste, Saint-Denis et Saint-Barthélemy…

Saint-Jacques, collégiale de la dernière heure

En 1785, après quinze ans de procès, les moines bénédictins de Saint-Jacques obtiennent la sécularisation de leur abbaye. Les moines deviennent des chanoines. Une huitième collégiale est née. Son existence sera éphémère.

Chapitres de chanoines

La collégiale se distingue des autres églises par le chapitre (ou collège) de chanoines qu’elle abrite. Cette communauté d’hommes (il existe aussi des communautés de femmes) est tenue de chanter au choeur les sept offices canoniques (ou heures canoniales : matines-laudes, prime, tierce, sexte, none, vêpres et complies). Ces chanoines séculiers (vivant dans le siècle) sont soumis à une règle (canon). Ils ne prononcent pas de voeux, mais sont astreints au célibat. Sauf pour l’exercice de certaines charges, la prêtrise ne leur est pas imposée : ils font partie des religieux laïcs. Dans un premier temps, les chanoines mènent une vie commune : un dortoir et un réfectoire bordent, avec d’autres locaux, le cloître annexé à la collégiale. A partir du XIIe siècle, ils s’installent dans des maisons individuelles. L’assemblée capitulaire, qui réunit les chanoines (30 pour chaque chapitre liégeois), est présidée par le doyen (chef spirituel). Nanti d’abord d’une ferme autorité sur l’administration des biens et la nomination des bénéfices vacants, le prévôt voit bientôt son rôle réduit à celui de protecteur. Les autres charges importantes dans l’administration de la collégiale incombent à l’écolâtre (enseignement), le coste (garde du trésor) et le chantre (musique). Les revenus importants du chapitre (bois, terres, maisons, rentes, dîmes) servent à couvrir les énormes dépenses de l’institution : notamment les frais du culte, l’entretien des bâtiments et la rétribution d’un personnel considérable. Quelque cent personnes gravitent dans l’orbite d’une collégiale : outre les 30 chanoines, il faut compter de nombreux chapelains (prêtres attachés aux autels), les enfants de choeur, les musiciens…

La collégiale, une église particulière

La collégiale n’est pas une église paroissiale. Elle est l’église d’un clergé appelé à Liège secondaire (par opposition au clergé primaire, titre porté par le chapitre de la cathédrale Saint-Lambert). Elle se présente comme une église conventuelle, avec une zone exclusivement réservée aux religieux. Cet espace clos englobe le sanctuaire -occupé par le maître-autel et les célébrants- et le choeur -où prennent place les chanoines, chapelains, chantres et enfants de choeur qui chantent les offices et assistent à la messe. Dans la plupart des collégiales liégeoises, le choeur s’étend dans la croisée du transept. Entre le monde religieux et les nefs accessibles aux laïcs se dresse une haute clôture, véritable écran de maçonnerie : le jubé. Lieu des lectures et des proclamations, support éventuel des orgues, le jubé abrite -côté nefs- deux autels latéraux. Le Christ triomphal le surmonte. Un changement dans la mentalité religieuse met fin à l’existence des jubés : désormais, on ne contrariera plus la vue du maître-autel. Les jubés disparaissent en France dès la fin du XVIIe siècle. A Liège, le chapitre de Saint-Paul donne l’exemple en remplaçant, en 1712, son jubé par une clôture nettement plus basse. Il est suivi par tous les autres, à l’exception du chapitre de la cathédrale qui conserve le sien jusqu’à la fin parce qu’il sert de socle monumental pour la châsse de saint Lambert. Cette ambonoclastie (destruction systématique des jubés) n’est pas synonyme de gaspillage : dans la plupart des collégiales, les jubés -coûteux ouvrages d’architecture habillés de marbres rares reprennent du service sous forme de tribunes pour les orgues placées au fond des vaisseaux.

La collégiale transformée

Embellir et moderniser sont un souci constant pour les chapitres liégeois. La fondation de nombreux autels entraîne la construction de chapelles latérales. Le plan initial -celui de la croix latine généralement adopté s’en trouve modifié : plusieurs vaisseaux passent ainsi de trois à cinq nefs.

C’est en prononçant ces mots tracés sur le cadre que Notger s’agenouille devant le Christ en majesté. Aveu d’humilité. le PECCATI PONDERE PRESSUS ne fait nullement allusion à une ruse sacrilège ; c’est une formule souvent utilisée par les dignitaires ecclésiastiques au Moyen Age. Le sens et les divers composants de la scène ont suscité maintes questions et maintes hypothèses. Pourquoi Notger est-il nimbé ? L’objet qu’il tient en main, est-ce un codex (livre) ou un rotulus (rouleau) contenant le privilège d’administration du baptême accordé à l’église Sainte-Adalbert ? L’édicule devant lequel Notger s’agenouille représente-t-il la collégiale Saint-Jean, la paroissiale Saint-Adalbert ou le Saint-Sépulcre de Jérusalem? L’ivoire est justement célèbre et reconnu unanimement comme l’un des chefs-d’oeuvre de l’art mosan. Il orne le plat de couverture d’un évangéliaire conservé à Saint-Jean jusqu’en 1715.

Urbanisme et théologie

Consacrée un 1er mai (987?) et nantie des revenus indispensables au bon fonctionnement de l’institution, la collégiale s’inscrit dans la politique générale d’accroissement, d’embellissement et de défense que Notger développe à Liège. Protégée, l’église Saint-Jean l’est par le bras de Meuse que Notger fait canaliser. Son image dans la ville est très différente d’aujourd’hui. Elle se dresse comme un repère au nord de l’île peu peuplée, juste en regard de la cathédrale. Cette liaison visuelle et symbolique ne relève pas du hasard. Elle a été voulue par Notger, comme le note l’un de ses biographes : “Notger édifia l’église sur une éminence de l’île, juste en face de la cathédrale SaintLambert dont Notre-Dame était la patronne principale, afin que l’apôtre préféré, que le Christ du haut de la croix avait donné pour fils à la Vierge, eut toujours la vue de sa mère et que le gardien de Marie fut toujours gardé par elle“. En implantant Saint-Jean et Sainte-Croix, Notger a retranscrit dans l’urbanisme l’épisode du Golgotha rapporté par Jean : “Femme, voilà votre Fils“, et au disciple “Voilà votre mère.

Une réplique symbolique du dom d’Aix-la-Chapelle

Au XIVe siècle, Jean d’Outremeuse souligne à propos de Saint-Jean “la fachon et forme reonde ensi que astoit et est l’englise Nostre Damme d’Yais-le-Grain.” Le chroniqueur mesure-t-il toute la pertinence de ce rapprochement ? La collégiale notgérienne reproduit exactement la chapelle palatine construite par Charlemagne vers 800. Elle en adopte le plan central. A l’est, le choeur est de petites dimensions (il sera, comme à Aix, remplacé par un choeur gothique plus vaste). Au centre, l’octogone -c’est la partie la plus caractéristique de l’édifice- est bordé d’un déambulatoire surmonté de tribunes. A l’ouest se dresse l’avant-corps : une tour massive flanquée de deux tourelles d’escaliers.

La nouvelle église baroque

La dégradation de l’édifice médiéval a acculé les chanoines à reconstruire la rotonde et le choeur. De 1752 à 1770, une nouvelle église est bâtie sur les anciennes fondations. Ses plans ont été établis par un architecte tessinois, Gaetano Matteo Pisoni. La source d’inspiration n’est plus à Aix, mais à Venise dans l’église Santa Maria della Salute, oeuvre de Baldassare Longhena (1630). Le mobilier de l’ancienne collégiale a repris place dans le nouvel édifice. Il est encore en grande partie conservé, notamment l’imposant maître-autel de marbre, un somptueux cadeau – il a coûté 4000 florins – du doyen André-René de Beekman (1694-1729). Le nouveau statut d’église paroissiale (1803) a enrichi le patrimoine de Saint-Jean de meubles liturgiques indispensables : les fonts baptismaux et la chaire de vérité proviennent de l’église Saint-Adalbert. Copies romantiques des confessionnaux baroques de l’église Saints-Pierre-et-Paul de Malines ( 1683-1684 ), les confessionnaux de Saint-Jean s’affirment à contre-courant de la vogue néo-gothique. Ils illustrent quelques grands thèmes chrétiens : la Foi, l’Espérance, la Passion, la Pénitence, la Mort.

Le massif occidental : un rempart contre les ténèbres

Seule partie de l’édifice médiéval épargnée par la reconstruction du XVIIIe siècle, l’avant-corps occidental a fait l’objet de plusieurs campagnes de  travaux. Progressivement surhaussé du XIe au XVe siècle, il domine un édifice aujourd’hui englouti dans la ville. Autrefois, il remplissait des fonctions pratiques et liturgiques. Ses tourelles d’escalier donnaient accès aux étages du massif central et aux tribunes de l’octogone. Haut lieu de la liturgie pascale et du culte du Sauveur vainqueur de la mort, il était encore voué au culte des anges, tout spécialement à saint Michel, gardien du paradis, défenseur des forces du Bien (que l’on situait à l’est) contre les forces du Mal (que l’on imaginait à l’ouest). L’avant-corps occidental formait, à Saint-Jean comme dans les autres édifices religieux, un rempart contre Satan. Et ceci explique l’absence de porte axiale si souvent observée en région mosane.

Trois chefs-d’oeuvre de l’art gothique

Vous êtes toute belle et pleine de charme (…) comme une aurore toute brillante de lumière (…) belle comme la lune, éclatante comme le soleil.

Cette vision mystique du Cantique des Cantiques s’est miraculeusement incarnée dans la plus célèbre des statues de l’église Saint-Jean, la Vierge assise à l’Enfant. Chef-d’oeuvre de l’art mosan et de l’art gothique européen, elle est l’une des plus belles, des plus précieuses et des plus harmonieuses interprétations du thème de la Vierge à l’Enfant. Marie, Siège de la Sagesse (Sedes Sapientiae), reine assise sur un trône riche de pierreries, Nouvelle Eve écrasant le dragon est aussi une femme d’une éclatante beauté. Ces deux témoins douloureux du Golgotha dominaient autrefois l’entrée du choeur. La robe serrée par une ceinture, drapée d’un voile-manteau, le visage crispé et incliné, le regard noyé de tristesse, les mains jointes, la Vierge s’efforce de contenir une souffrance intolérable, la perte de son enfant. Saint Jean en portant la main au front exprime le même accablement.

Le trésor d’une église disparue : saint-Adalbert

Elle avait été fondée par Notger en mémoire de son ami Adalbert, évêque de Prague et évangélisateur de la Pologne, massacré en Poméranie par les Prussiens Obotrites le 23 avril 997. Des quatre paroissiales de l’Ile, elle était seule à détenir le droit de baptême. L’église disparut avec l’Ancien Régime, mais une partie de son mobilier et de son trésor échut à Saint-Jean. C’est heureux, car de l’argenterie religieuse de l’ancienne collégiale, victime des réquisitions françaises, il ne reste rien.

Le relief de Guillaume de Wavre

Sous une voûte cintrée, trois convives assistent à l’onction des pieds du Christ par la Madeleine. La tête d’un serviteur apparaît à droite derrière un guichet ménagé dans le mur. A gauche, saint Jean, patron de la collégiale, présente le donateur, le chanoine Guillaume de Wavre, décédé le 23 janvier 1457. Ceci est son monument funéraire. Le thème, inhabituel dans l’art funéraire, surprend moins si l’on sait que, jadis, l’oeuvre ornait le réfectoire situé en bordure du cloître et que Guillaume de Wavre portait une attention particulière aux pauvres et au culte de sainte Marie-Madeleine, dont la paroisse liégeoise était, au Moyen Age, le quartier des filles de joie. Le relief révèle d’indéniables ressemblances avec l’art du peintre de Louvain Thierry Bouts (v. 1415-1475).

L’évangélaire de Quercentius : les derniers feux du livre manuscrit

Assis sur un promontoire, saint Jean écrit l’ Apocalypse. Son aigle-attribut tient l’encrier. Derrière lui, baignée de brume, la ville s’étend des deux côtés du fleuve, paisible et ignorante des terribles visions. Cette superbe miniature, qui s’inscrit dans la grande tradition des paysagistes mosans Joachim Patinier et Henri Blès, est l’oeuvre de Thomas Vanden Putte dit Puteanus, peintre et bourgeois de Saint-Trond (1532-1609). Elle appartient à un évangéliaire calligraphié en 1565 par un chanoine de Saint-Jean, Robert Quercentius (1513-1599). Professionnelle de la belle écriture, la main de Quercentius livre un ultime combat contre la machine, donnant aux caractères tracés l’apparence de l’imprimé. L’art séculaire du livre manuscrit, enrichi d’enluminures, s’éteint, vaincu par le progrès. A Liège, un premier imprimeur s’est installé : Walthère Morberius.

LE DESTIN DES COLLÉGIALES LIÉGEOISES

Après la suppression des chapitres (1797), les collégiales sont affectées à des fins profanes. Le Concordat de 1801 permet leur réouverture au culte. Une seule va disparaître : Saint-Pierre, la plus ancienne. La démolition de Saint-Lambert impose de choisir une église qui servira désormais de cathédrale. Un moment envisagée, Saint-Martin est écartée au profit de Saint-Paul qui jouit d’une situation centrale appréciable. Les autres ci-devant collégiales deviennent paroissiales. Leur patrimoine s’accroît de pièces de mobilier indispensables à leur nouveau rôle -fonts baptismaux, chaire de prédication, confessionnaux- et d’objets du culte récupérés dans  les paroissiales vouées à la disparition. Toutes ont été l’objet, dès le XIXe siècle, d’importants travaux de restauration. Toutes sont de fabuleux trésors d’art. Toutes font partie de notre patrimoine commun. Celui que nous avons reçu et que nous devons transmettre. Quel destin allons-nous leur réserver ?


[Dans la plaquette richement illustrée, à télécharger ci-dessous, plus d’informations sur :]

      1. la collégiale Saint-Denis : une tour forte dans l’enceinte notgérienne,
      2. la collégiale Saint-Barthélémy : la dernière née des collégiales liégeoises,
      3. la collégiale Saint-Martin-en-mont : cathédrale éphémère, forteresse sacrée, une fondation détournée,
      4. la collégiale Saint-Paul : Eracle, premier promoteur immobilier de l’île,
      5. la collégiale Sainte-Croix : Liège sous la protection de la croix,
      6. la collégiale Saint-Jean-l’Evangéliste : l’église de Notger,
      7. la collégiale Saint-Jacques : une grande abbaye bénédictine…

ORIENTATION BIBLIOGRAPHIQUE

Tous les édifices présentés ont fait l’objet d’excellentes monographies publiées dans la série des Feuillets de la Société royale Le Vieux-Liège (en vente dans la plupart des églises, ils comportent une bibliographie du sujet).

On se référera aussi aux catalogues d’expositions

      • Millénaire de la collégiale Saint-Jean de Liège (Liège, 1982) ;
      • La restauration des monuments à Liège et dans sa province depuis 150 ans (Liège, 1986) ;
      • Trésors d’art religieux au pays de Visé et de saint Hadelin (Visé, 1988) ;
      • Saint-Martin. Mémoire de Liège (Liège, 1990) ;
      • Le culte de saint Hubert au pays de Liège (Saint-Hubert, 1990 et Liège, 1991) ;

…ainsi qu’aux études suivantes :

      • La Wallonie. Le pays et les hommes. Lettres-arts-culture, ss la dir. de R. LEJEUNE et J. STIENNON (2 tomes, 1977-1978) ;
      • J. STIENNON et Ch. MAHAUX, Cités de Belgique. Liège (Artis-Historia, Bruxelles, 1981) ;
      • J.-L. KUPPER, Liège et l’Eglise impériale. XIe-XIIe siècles (Bibliothèque de la Faculté de Philosophie et Lettres de l’Université de Liège, CCXXVlll, Paris, 1981) ;
      • P. COLMAN et B. LHOISTCOLMAN, Recherches sur deux chefs-d’oeuvre du patrimoine artistique liégeois : l’ivoire dit de Notger et les fonts baptismaux dits de Renier de Huy (dans Aachener Kunstblätter, 52, 1984, 151-186) ;
      • R. JANS, Le trésor de la collégiale Saint-Pierre à Liège (dans Bulletin de l’Institut archéologique liégeois, 98, 1986, 333-338) ;
      • J. HENDRICK, La peinture au pays de Liège. XVIe, XVIIe et XVllle siècles (Liège, 1987) ;
      • P. HOFFSUMMER, L’étude des charpentes dans le bassin mosan en Belgique grâce à la dendrochronologie du chêne (dans PACT, 22, 1988, 69-84) ;
      • J.-L. KUPPER, L’évêque Notger et la fondation de la collégiale Sainte-Croix à Liège (dans Haut Moyen-Age. Culture, éducation et société. Etudes offertes à Pierre Riché, Paris, 1990, 419-426) ;
      • Chr. DURY, Fraternités et clergé secondaire du diocèse de Liège au Moyen Age. Contribution à la protohistoire des assemblées représentatives (dans Le Moyen Age, 96, 2, 1990, 287-316) ;
      • G. DENHAENE, Lambert Lombard. Renaissance et humanisme à Liège (Anvers, 1990).

RASSENFOSSE, Armand (1862–1934) et SERRURIER-BOVY, Gustave (1858-1910)

Catalogue de l’exposition au Musée de l’Ancienne Abbaye de Stavelot (20 juin – 20 septembre 1975) et au Service provincial des Affaires culturelles de Liège (30 septembre – 25 octobre 1975) sous les auspices du Ministère de la Culture française et du Service provincial des Affaires culturelles de Liège. La transcription intégrale des textes de ce catalogue est disponible dans wallonica.org…

Fonds des cartes postales

Voici plusieurs exemples de cartes promotionnelles ou militantes qui, pour certaines, n’auraient plus le droit d’être publiées aujourd’hui, par le simple jeu de la ‘cancélisation‘ puritaine actuelle. Qu’il s’agisse d’autocollants anti-nucléaires, de cartes postales de pubs ou d’affiches digitalisées, découvrez-en la quintessence ci-dessous : elles restent un support intéressant qui témoigne autant de la créativité visuelle des bailleurs de pub, que des lieux communs sur lesquels une époque pouvait s’appuyer. Ô tempora, ô mores…

Le jeu est le suivant : vous cliquez sur le lien dont le titre vous intrigue, vous affichez ainsi le recto de la carte. Vous devez alors deviner l’objet de la campagne promotionnelle. Libre à vous d’ensuite vérifier votre analyse en ouvrant le PDF : il contient recto et verso de la carte. Allez-y, régalez-vous…


Les fonds qui manquent le moins…

Les Brèves du Moderne (n° 18, juin 2024)

En noir et blanc

En noir : décidément… “La Camarde qui ne (nous) a jamais pardonné D’avoir semé des fleurs dans les trous de son nez (Nous) poursuit d’un zèle imbécile” (G. Brassens, Supplique pour être enterré à la plage de Sète). Ces mots de Brassens s’appliquent particulièrement bien au Moderne, qui cette fois encore, doit dire “Salut l’artiste“, avec beaucoup de tristesse à deux de nos compagn.e.on.s de route de très longue date, Christiane Stefanski pour les partages artistiques dans notre institution, et Jean-Pierre Crenier, un de nos plus anciens membre et comédien…

Natalie, Jérôme, Léa & Marylou

Pour la suite et pour relire le poème-hommage à Christiane Stefanski paru dans notre POETICA et partagé par l’équipe du Moderne, il suffit de cliquer ci-dessous…