Journal des procès n°254 (4 février 1994)

Les équinoxes qui sont, soit vernal ou de printemps, soit d’automne, correspondent comme on sait aux deux périodes de l’année où le soleil passant par l’équateur, le jour et la nuit sont d’égale durée d’un cercle polaire à l’autre, au lieu que les solstices sont les époques où le soleil est à son plus grand éloignement de l’équateur, paraissant y rester stationnaire un temps, et détermine les jours les plus longs, le 20 ou 21 décembre, soit les plus courts, le 20 ou 21 juin, les tropiques étant les cercles parallèles à l’équateur, déterminés par le passage du soleil au zénith à chacun des deux solstices. Rien n’est naturellement plus émouvant, sauf pour ceux qui ne pleurent pas d’émotion à voir représenter La Nuit des Rois de Shakespeare (mais ils n’existent pas si la pièce est pieusement montée et jouée), irrésistible illustration de ces instants et de ces lieux d’hésitation sentimentale. Est-ce le jour ou la nuit ? L’alouette ou le rossignol ? Le Nord qui délaisse le Sud, le Sud qui perd le Nord ? On voit, sur les tropiques du cancer ou du capricorne, des arbres tout à la fois en fleurs et en fruits, comme si la pudeur devenait indécente et le plaisir naïf.
Les enfants, s’il en advient, de ces nuits d’Idumée dont depuis le temps que vous avez lu Mallarmé vous vous demandez le sens, sont ceux d’Edom, pays d’Esaù, dit “le roux”, couleur la plus rare des cheveux ou de la lune, en avril, quand elle roussirait, c’est-à-dire brûlerait, les futures moissons ou, au contraire, en exalterait la levée, un peu à tort et à travers, le rossignol en étant si troublé qu’il songe à étreindre l’alouette, laquelle n’y consent point de justesse, la fleur venant avant la pomme, que diable !

Philippe Toussaint


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