Journal des procès n°280 (31 mars 1995)

Notre illustration de couverture nous montre un tribunal de commerce, au XVIème siècle. On voit, en haut, en robes rouges et bleues, les quatre échevins. Devant eux, les greffiers, le “clerc”, le procureur (l’air fâché comme il se devait sans doute et dont, Dieu sait pourquoi, la banderole est à I’envers), enfin le sacro-saint receveur des amendes, payées illico. En France, les échevins étaient élus, deux parmi les notables marchands et deux parmi les juristes. Ils connaissaient de litiges relatifs aux marchandises, réglaient les contestations entre fournisseurs, fixaient le prix des denrées, etc. Les appels étaient portés devant le parlement.

Ces échevins avaient la réputation parfaitement fondée d’être des coquins. Ils s’arrangeaient souvent pour postposer les élections, en particulier lorsqu’un candidat s’annonçait déplorablement honnête. Corrompus par vocation, ils avaient érigé la concussion, les “épices”, en institution et leurs abus étaient infinis, Ainsi inventaient-ils des procès en province ou à l’étranger pour s’octroyer des voyages tous frais payés. Le denier du pauvre tombait en majeure partie dans leurs escarcelles et il n’est pas de malversations qu’on n’ait pu leur reprocher.

Louis XIV en finit avec l’élection des échevins dont la charge, d’élective qu’elle était, devint vénale, ce qui fit rentrer de I’argent dans les caisses de I’Etat tout en rendant cette “justice”, de plus en plus scandaleuse.

On éditait pourtant de nombreux manuels, comme “Moyen d’éviter procès, faict pour I’utilité des marchands et autres négociateurs”, sortes de vade-mecum du commerçant pour qui la seule ressource en effet était, soit de payer les échevins, soit d’éviter le progrès. Si cette histoire vous amuse…

Philippe Toussaint


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