Journal des procès n°299 (23 février 1996)

Il est probablement très significatif que d’aucuns n’ont rien de plus pressé que de vous dire, lorsque vous pensiez leur apprendre quelque chose : “Je sais !”. On croit pouvoir compléter leur information : grave erreur ! Cette tournure d’esprit peut prendre de singulières proportions. Si vous lâchez dans la conversation que vous avez eu I’occasion de rencontrer tel ou tel grand personnage de I’Etat, c’est avec un haussement d’épaules excédé qu’on vous répondra : “Je le connais !”, un peu comme si ce n’était pas la solution du problème. Quel problème ? Il doit y en avoir un que résoudrait la connaissance de tel fait ou telle personne, apparemment, le ton sur lequel on vous répond (il est définitif) montrant assez que ce n’est pas encore ça qui les aidera.

Ceux qui disent à tout bout de champ, comme dans la chanson de Gabin, “Je sais” ou qui soupirent qu’ils connaissent toutes les personnes dont on leur parle d’aventure ne sont manifestement pas contents de leur sort. Ils le trouve injuste et sont sans cesse à l’affût de ce qui pourrait enfin rétablir, dans leur chef, la destinée qu’ils estiment mériter.

Il ne manque heureusement pas non plus de gens qui ont gardé leurs facultés d’enthousiasme, on dirait volontiers d’excitation sociale et qui, au lieu de dire ‘Je sais” ou “Je le connais” s’exclament volontiers : “Ça alors !” ou “Raconte-moi !”. Même si, parfois, ils savaient déjà, ou connaissaient aussi bien que vous, car la gentillesse est leur fort.

On pourrait peut-être dire que les uns sont des bourgeois, au sens le plus péjoratif du terme, et les autres des aventuriers, au sens le plus joyeusement
adouci du mot !

A propos, saviez-vous que le prochain numéro du Journal des procès sera le trois-centième ?

Philippe Toussaint


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