Journal des procès n°271 (25 novembre 1994)

Jacques Callot, un peu écrasé entre Durer et Rembrandt, était pourtant lui aussi un très grand. La pièce, lavis et bistre, que nous reproduisons en couverture en atteste parmi bien d’autres chef-d’oeuvres. Jacques Callot en effet, qui mourut à 42 ans n’a pas laissé moins de mille six cents planches, dont celles des Misères et malheurs de la guerre qui sont un des réquisitoires les plus virulents qu’on ait jamais fait à cet égard.

L’homme suscitait et suscite toujours la sympathie. Fils de famille relativement illustre, il se sauva de chez ses parents à l’âge de 12 ans pour aller en Italie, via la Suisse, et fut adopté en cours de route par des bohémiens avec qui il fit grande amitié. Ramené manu militari en Lorraine par des connaissances de ses parents qui l’avaient découvert à Rome, il s’échappa à nouveau, il avait alors 14 ans, fasciné, comme Stendhal, par I’Italie dont son frère aîné le ramena à grands coups de pied dans le derrière. Son troisième voyage en Italie fut plus conventionnel. Il faisait partie d’une ambassade du duché de Lorraine et quand, quelques années plus tard, il revint en France, ce fut glorieux, riche et recherché par des personnages aussi considérables que le duc de Florence et Louis XIII. Raphaël l’admirait, il lui demanda d’échanger leurs portraits, ainsi que Van Dijk, qui lui proposa de le peindre pendant qu’il le portraiturait lui-même.

Quant à savoir le pourquoi des escargots, nous en ignorons tout ! Mais Callot adorait la fantaisie, son oeuvre abonde en “grotesques” qui ne vont jamais sans tendresse. Toutes les estampes de Jacques Callot nous montrent qu’il aimait les gens, et notamment les filles, dont certaine bohémienne : c’est bien assez pour lui faire les honneurs de notre couverture !

Philippe Toussaint


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Journal des procès n°269 (28 octobre 1994)

Dans une de ses œuvres posthumes, le Manuel de civilité pour les petites filles, Pierre Louÿs prodigue des recommandations d’une facétieuse irrévérence ayant au moins la vertu de dénoncer l’hypocrisie des moralistes. Il montre avec verdeur ce que des phrases toutes faites peuvent avoir de pervers. Il en va de même pour ces expressions qui, brusquement, sont de mode et s’imposent dès lors irrésistiblement à ceux qui écrivent ou parlent en se persuadant, les sots, que l’important est le message qu’ils prétendent délivrer, et non la manière dont il est présenté, en sorte que, pour faire court, bien écrire serait vieux jeu, et le charabia, moderne.

Il y a une dizaine d’années, on disait à tout bout de champ que l’arbre ne devait pas cacher la forêt. Aujourd’hui, c’est plutôt comme la cerise sur le gâteau.

Il convient de réagir fermement et, à la manière dont Pierre Louÿs recommandait à ses jeunes lectrices : “Ne dites pas (censuré, tâchez d’imaginer, comme on le proposait dans les vieux nouveaux romans !), dites : ma soeur est très sentimentale“, ne dites plus jamais “comme la cerise sur le gâteau“, mais “sur le chapeau.” Le message passera d’autant mieux, ou il s’effondrera et on ne méritait donc pas d’être délivré. Pareillement, cessez de dire qu’il faut garder l’église au milieu du village mais du “bocage” ou que le ministre va devoir “revoir sa copie”, mais “sa groupie.” On vous écoutera au lieu de vous entendre comme une publicité qui lave encore plus gris.

Philippe Toussaint


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Journal des procès n°255 (18 février 1994)

Un homme paraît sur les écrans de télévision pour dire que depuis qu’on a assassiné un de ses amis il n’a qu’une idée en tête : savoir qui l’a assassiné. Pas de réaction plus simple ni plus juste, mais elle étonne et même déconcerte. C’est que les choses ne seraient pas si simples et qu’à la limite, nul ne devrait plus pouvoir s’arroger une telle exigence. La vie politique, celle des affaires, qui souvent s’entrecroisent, ne laissent très généralement pas indemnes. Elles sont même organisées à cet effet car il importe que chacun tienne chacun par la barbichette. Toute réussite aurait- ses lourds secrets et à la base de toutes les grandes fortunes, il y aurait des choses à faire frémir. Churchill disait pourtant à cet égard que le tout n’était pas d’arriver, encore fallait-il voir en quel état ?
Un homme paraît sur les écrans de télévision, défait, et nous annonce qu’il mettra tout en oeuvre pour découvrir I’identité des assassins de son ami, quoi qu’il advienne. Réaction réputée enfantine mais précisément, ce n’est plus un enfant et il est très capable de trouver la vérité et de la dire, quitte à faire flanquer en prison nombre de gens du sérail. Est-ce tolérable ?
Un seul homme paraît sur les écrans de télévision et tout bascule, épouvantablement, dans la morale qui ne consiste ni à gagner les élections, ni à s’enrichir, ni à commanditer un assassinat, ni à protéger comme par réflexe ceux qu’on appelle “des amis” et qui sont seulement des alliés. Eh bien ! celui-là sauve peut-être enfin l’honneur d’être un homme et pas une marionnette.

Philippe Toussaint


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Journal des procès n°254 (4 février 1994)

Les équinoxes qui sont, soit vernal ou de printemps, soit d’automne, correspondent comme on sait aux deux périodes de l’année où le soleil passant par l’équateur, le jour et la nuit sont d’égale durée d’un cercle polaire à l’autre, au lieu que les solstices sont les époques où le soleil est à son plus grand éloignement de l’équateur, paraissant y rester stationnaire un temps, et détermine les jours les plus longs, le 20 ou 21 décembre, soit les plus courts, le 20 ou 21 juin, les tropiques étant les cercles parallèles à l’équateur, déterminés par le passage du soleil au zénith à chacun des deux solstices. Rien n’est naturellement plus émouvant, sauf pour ceux qui ne pleurent pas d’émotion à voir représenter La Nuit des Rois de Shakespeare (mais ils n’existent pas si la pièce est pieusement montée et jouée), irrésistible illustration de ces instants et de ces lieux d’hésitation sentimentale. Est-ce le jour ou la nuit ? L’alouette ou le rossignol ? Le Nord qui délaisse le Sud, le Sud qui perd le Nord ? On voit, sur les tropiques du cancer ou du capricorne, des arbres tout à la fois en fleurs et en fruits, comme si la pudeur devenait indécente et le plaisir naïf.
Les enfants, s’il en advient, de ces nuits d’Idumée dont depuis le temps que vous avez lu Mallarmé vous vous demandez le sens, sont ceux d’Edom, pays d’Esaù, dit “le roux”, couleur la plus rare des cheveux ou de la lune, en avril, quand elle roussirait, c’est-à-dire brûlerait, les futures moissons ou, au contraire, en exalterait la levée, un peu à tort et à travers, le rossignol en étant si troublé qu’il songe à étreindre l’alouette, laquelle n’y consent point de justesse, la fleur venant avant la pomme, que diable !

Philippe Toussaint


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Journal des procès n°253 (21 janvier 1994)

Lu quelque part, mais où ? (sans doute dans un roman anglais du XIXème)  qu’il est probablement peu de personnes qui, étant amenées professionnellement à faire preuve avec constance de la plus grande urbanité, ne se surprennent, seules devant un miroir, à faire des mines sévères et à rêver, quasi à leur insu, de coercition voire d’injures.
On dira qu’on n’est pas plus maître de ces choses que de nos rêves – mais finalement, les rêveries ne sont-elles pas les plus redoutables ? Elles ressortissent au spectacle qu’en I’espèce on se donne à soi-même, à des représentations à huis clos, comme font ceux qu’on voit parfois parlant tout seuls au volant de leur voiture (songeons toutefois qu’ils se récitent peut-être un poème ?).
C’est à ces spectacles secrets que se réfèrent instinctivement les criminels de tous ordres qui massacrent en Yougoslavie et ailleurs. Un écrivain italien, injustement oublié, Pitigrilli, esquissait un immense programme à cet égard en disant d’un de ses personnages de Dolico blonde, qu’il se conduisait toujours, par exemple dans sa salle de bain, comme s’il n’était pas seul mais en public. Cette discipline est un peu terrifiante et peut-être offre-t-elle quelque surface à la critique en ce que sans un brin de laisser-aller on fait l’ange et donc la bête.
La question est néanmoins de savoir, disait l’auteur anglais, si les guerres nationales ou civiles seraient possibles sans ces instants où les plus urbains vocifèrent ou font des mines devant leur glace ?

Philippe Toussaint


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Journal des procès n°252 (7 janvier 1994)

Chères Lectrices, chers Lecteurs, Sire, Messieurs les cardinaux et les hauts ou bas magistrats, Mesdames et Messieurs les ministres, Messieurs les hospodars héréditaires , chers amis de tout poil, en ces beaux jours à peine un peu plus vieux de la nouvelle année, nous venons vous présenter, d’un cœur sincère et sans apprêts, en prose et non en vers faute de temps et d’un dictionnaire des rimes, nos meilleurs vœux. Sachez qu’ils ne sont point formels ni vains car ce sont ceux que l’optimisme nous dicte, persuadés que nous sommes qu’il est la meilleure méthode de gouvernement, à commencer de soi.
Les chances sont comme les topinambours ou les carottes, il suffit d’en planter ou semer congrûment les tubercules ou les graines pour qu’elles sortent de terre ! Tout est possible, sinon à portée de main, en 1994 à la seule condition de le vouloir et partant, de savoir ce que nous voulons. C’est ce qui ne dépend certes pas d’un programme mais ressortit plutôt à un état d’esprit. Les méchantes gens sont d’abord et toujours des pessimistes, comme Emmanuel Kant le démontrait admirablement : leur égoïsme ne saurait épanouir leur nombril que s’ils sont seuls à le cultiver. Érigée en loi universelle, leur volonté s’effondrerait.
Nos vœux, notez-le bien, sont précis. Ils participent en somme de la discipline, celle du sourire à chaque occasion, et notamment à destination des personnes du sexe opposé, de l’art, si malaisé parfois, de calmer le jeu quand le ton monte, du parti-pris d’être gentil plutôt que bon, car la modestie est expédiente, et de troquer enfin une fois pour toutes la superbe contre l’équanimité. Le génie ne peut rien contre le talent…
Tout est possible en 1994, vider les prisons et faire la paix en ex-Yougoslavie, guérir ses écrouelles et reprendre le dessus.
“C’est bien joli tout ça, mais…”grommellent les pessimistes. D’emblée, leur défaite est consommée car il tombe sous le sens que si c’est joli, c’est qu’on est dans le bon ! Il n’y a pas moyen, le voudrait-on, de se tromper quand on chante juste. Voyez les petits oiseaux dont notre ami Paul Foriers disait que les juges leur ressemblent – ou le devraient – quand ils rendent leurs jugements ! Bonne année, bonne santé morale !

Philippe Toussaint


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Journal des procès n°251 (24 décembre 1993)

Nous avons tous deux ou trois idées -Jankélévitch disait que les plus grands n’en ont que cinq ou six, et beaucoup une seule, la valorisation de leur nombril – autour desquelles nous tournons. A la vérité, c’est plutôt elles qui nous ont ! Elles nous cernent, nous envahissent bon gré mal gré.
Pour nous, une de ces idées-mères est que tout progrès implique un recul – moins grand le plus souvent que l’avantage nouveau et c’est donc un progrès mais, d’aventure, le recul peut prendre de l’ampleur. Ainsi par exemple pour l’invention de l’imprimerie. Sans elle, la Réforme n’eut assurément pas eu le même succès, donc pas de Contre-Réforme, et qu’eût été la Renaissance sans elles ? Luther disait qu’avec la Bible, chaque chrétien était le Pape. Encore ces chrétiens durent-ils apprendre à lire, ce qu’il firent et, grâce à Dieu si on ose le dire, ils ne lurent pas que la Bible ! Progrès immense et recul considérable. Si nous comparons les textes édités, sous forme de manuscrits, pendant la première moitié du XVe siècle à ceux qui furent imprimés pendant la seconde moitié, quel effondrement ! A des ouvrages antiques ou modernes qui honoraient l’esprit humain, succédèrent les romans de chevalerie, qui étaient les romans de gare de l’époque. C’est que l’investissement était énorme pour un imprimeur. Il devait vendre rapidement ses livres : les droits d’auteurs n’existaient pas et si un ouvrage avait du succès, il était immédiatement copié. Il fallait épuiser le marché d’un coup, d’où cette baisse de qualité – sauf la Bible, s’entend.
C’est qu’il manquait encore un personnage : l’éditeur. Il apparut au début du XVIe. Alors, on vit Érasme discuter avec Alde Manuce, à Venise, de la publication des Colloques, Jean de Tournes à Lyon s’entretenant avec Guillaume Budé, Froben à Bâle et tant d’autres qui avec les auteurs formaient en somme le projet de l’Humanisrne, les uns et les autres étant en effet des humanistes.
L’un n’était rien sans l’autre, l’autre ne pouvait rien sans l’un, C’est encore vrai aujourd’hui et, fermant les yeux, lorsqu’on pénètre dans une maison d’édition de grand prestige, y voyant par exemple d’éminents juristes accueillis par celui qui va les éditer, on peut rêver d’Érasme et d’Alde Manuce, de Froben et Thomas More. C’est pourquoi nous avons de I’estime et de l’amitié pour ces éditeurs d’hier et d’aujourd’hui sans qui l’honneur de l’esprit humain ne serait pas ce qu’il est !

Philippe Toussaint


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Journal des procès n°250 (10 décembre 1993)

Comment s’appelait-il, qui êtait-il ? On devrait bien pourtant lui élever un monument en forme de tulipe, dont Tristant Derême suggérait qu’on les semât dans les oreilles, Traduit devant quelque cour extraordinaire pour complot contre l’Etat et sommé par le président de dire quels étaient ses complices, il eut ce mot superbe que n’importe quel acteur rêverait de lancer devant un parterre trépignant d’enthousiasme :
– Toute la France et vous-même, monsieur le président, si j’avais réussi !
Panurge y voyait plutôt des moutons et se tapait les cuisses qu’ils fussent si grégaires et impulsifs. De même, l’escroc parfaitement pur annonçant dans les journaux qu’il ne reste que huit jours pour lui envoyer mille francs, devient riche avant la fin de la semaine. Tout de même, on créait un contrat : les juristes sont toujours ponctuels à ramener de I’ordre, même dans la poésie, La Fontaine maniait le vers mieux que Victor Hugo, car avec plus de simplicité, laquelle est la condition du grand art. Témoin ce passage des Contes :
“Que doit faire un mari dont on aime la femme ?
Rien.”
Ce n’est pas ainsi que l’entendent les législateurs depuis que les hommes cachent dans leur culotte une petite paire de couilles et les femmes autre chose sous leurs jupes, à quoi les unes et les autres attachent de I’importance. Que si, pourtant, on avait suivi le conseil du fabuliste, quelle économie de savants ouvrages, de jugements, d’arrêts, de gloses, tout ça pour :
“Rien.”
Tout passe, casse et lasse qui n’est pas édifié sur les sables de I’instant. La rose n’est jamais déclose et le lit des déesses est aussi leur sourire.

Philippe Toussaint


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Journal des procès n°249 (26 novembre 1993)

Paul Léautaud, pour qui tout écrivain qui recevait un prix littéraire était déshonoré, et qui n’avait lui-même, disait-il, accepté le Goncourt “que pour l’argent”, détestait opiniâtrement Jean Giraudoux. Il tenait que son oeuvre était à destination des “archicubes”, les anciens de Normale Supérieure. Léautaud détestait ces ouvrages écrits du bout de la plume, et insoucieux des dures réalités.
Comme cet ami de Goethe dont, suprême ironie, nul ne se souvient plus, il ressassait inlassablement le constat que le pauvre n’est pas seulement malheureux mais ridicule.
Giraudoux, quand à lui, roucoulait de plaisir en écrivant dans Bella qu’une de ses héroïnes, prostituée de son état, se sachant guettée dans un bar par un policier qui serait prompt à l’accuser de racolage et voulant néanmoins remonter un de ses bas, commença sur elle-même le lent travail de I’ambassadeur qui, au moment où il s’incline respectueusement devant un chef d’Etat pour lui présenter ses lettres de créances, sent céder ses bretelles.
Il y a là une vision du monde qui exaspère ceux que les drames et tragédies mobilisent. Insupportable fatuité, protestent-ils, de ceux qui sourient avec une hautaine indulgence, par opposition avec ceux qui rient ravageusement.
Mais comment choisir entre Montaigne et Rabelais, entre la lame qui délicatement tue sans presque faire saigner et le gourdin qui écrabouille Prichocolle, “ce que voyant, cuidé-je me conchier de joie” ? Après tout, Voltaire savait que Rousseau était un grand homme dont il ne partageait pas les idées (“mais je me battrais pour que vous puissiez les exprimer”) et l’accueillit fraternellement à Ferney. Cinq minutes. Après quoi il le trouva décidément imbuvable et n’eut plus qu’une envie, le flanquer à la porte comme Candide l’avait été lorsqu’on l’avait surpris à embrasser mademoiselle Cunégonde derrière un paravent : à grands coups de pied dans le derrière !
La tolérance et toutes ses sortes de choses dont nous parons volontiers notre ego, ne résistent guère plus d’un instant, pauvres de nous, au choc des inimitiés instinctives.

Philippe Toussaint


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Journal des procès n°248 (12 novembre 1993)

Léon Blum faisait observer, dans une préface qu’il écrivit un jour aux Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos, que si des héroïnes de ce roman I’emportaient en perfidie sur les hommes, c’est que les femmes furent plus longtemps réduites en esclavage, de jure ou de facto. On trouve pourtant beaucoup de réactions d’esclaves dans la réalité sociale chez les hommes comme chez les femmes. Ainsi l’exclamation, si fréquente, lorsque quelque chose n’a pas été exécuté comme il était souhaitable : “Ce n’est pas de ma faute !” Réaction désastreuse car, s’il ne s’agit pas d’un sabotage, l’important n’est évidemment pas que ce soit de la ‘faute” de qui que ce soit mais de savoir, moins pourquoi que comment quelque chose a foiré. Le seul but étant que cela ne se reproduise plus, pour le plus grand bien général. C’est ce qui est presque impossible à expliquer de manière convaincante à l’immense majorité de ceux qui craignent de perdre leur place, exactement comme un esclave se souciait avant tout d’éviter le fouet mais se fichait pas mal des projets de son maître, lequel au demeurant ne songeait pas, fatale erreur, à les lui représenter.
Il est clair que lorsqu’un collaborateur, et non un esclave, dit “ce n’est pas de ma faute” il perd ipso facto tout crédit. Il serait mille fois préférable, pour lui, de constater que c’est de sa faute ! Mais encore faudrait-il que, de l’autre côté, on n’en profitât point…
Comme les relations sociales gagneraient à être sur pied d’égalité ! Malheureusement, les vanités s’en mêlent, la vieille et fausse idée que le patron est “maître chez lui” resurgissant à point nommé, tandis qu’il est le premier serviteur de son entreprise. La peur dicte fréquemment les réactions des autres, mauvaise conseillère s’il en est. En un mot comme en cent, la dignité se paie, elle n’est jamais le lot chanceux ni des uns ni des autres !

Philippe Toussaint


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