Journal des procès n°247 (29 octobre 1993)

Le premier qui tient la porte ouverte pour laisser passer une dame est bon  pour la tenir ouverte jusqu’à la fin de la queue. Encore heureux si le dernier ne lui dit pas “merci mon ami” et ne lui glisse pas la pièce ! Ainsi en va-t-il dans beaucoup d’autres domaines : le plus petit geste de bonne volonté ou de politesse vous engage démesurément et si, d’aventure, excédé, vous lâchez la porte rabattante, attendez-vous à une réaction scandalisée, car le pli était si bien pris que le suivant le reçoit en pleine figure ! Et c’est de votre faute !
On a d’abord envie de sourire lorsqu’un automobiliste double une interminable théorie de voitures sur la gauche puis, sans vergogne, s’empare de la première place en se rabattant impérieusement sur la droite et gagne un temps certes médiocre en soi, cinq minutes au plus, mais qui proclame en quelque sorte les avantages de la brutalité et de la grossièreté.
Plus comique est l’air innocent de celui qui se présente à la caisse express d’un grand magasin avec une charrette bourrée de marchandises. Si la caissière le lui fait remarquer, il tombe des nues et, sans tarder, trouvera mesquin qu’on attache une telle importance au règlement. Mais toute votre bonne humeur revient quand, par contre, s’avisant que vous ne devez payer qu’un ou deux objets, le client précédent vous invite à passer devant lui. Rien n’est jamais perdu et après tout malins et tricheurs ne savent pas ce qu’ils perdent : un sourire amical.
Dans le même ordre d’idées, un ami nous racontait que I’automobiliste qui, obligeamment, le ramenait chez lui en pleine nuit, conduisait avec ses grands phares allumés. On lui en fit la remarque et il répondit (de la meilleure foi du monde ?) : “Si j’utilise mes phares de croisement, je ne vois plus rien !” Amusons-nous…

Philippe Toussaint


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