Journal des procès n°246 (15 octobre 1993)

Rien ne sert de courir, il y a quand même des bouchons sur les routes ! Mais quand on n’a pas de tête, il faut de I’essence pour retourner à la maison quérir le document qu’on y a oublié. Ainsi serait-il temps de mettre les adages, maximes et expressions qui firent fortune, au goût du jour. Le laboureur dit maintenant à ses enfants que c’est le fond qui manque le plus et non le moins, le tout n’étant pas de bien travailler mais d’avoir du travail. Au reste, labourer, c’est créer des surplus agricoles, ce qui devient incivique. Cette leçon vaut-elle un fromage au lait entier ou écrémé ?
Le cœur a ses raisons que la raison connaît parfaitement depuis Proust et quelques autres. Après la pluie, rarement le beau temps, le Pacte social qu’on nous concocte le démontrera sans doute. Enfants, cachez vos rouges tabliers – je dis ça, mais je ne dis rien ! – et je me nourris, vous le voyez assez, de beau langage et non de bonne soupe qui est un manger savoureux mais vulgaire.
Jouons, jouons avec les mots qui se jouent de nous mais dans cet océan d’à peu près que Raymond Queneau annonçait génialement en écrivant : “Allo ? M. le copissaire de molice ? Il n’y a pas une pinute à merdre !“, aussi ponctuel que le retour des saisons et vaste comme le ciel étoilé au-dessus de nos têtes, continue de scintiller le poème de Nerval : Je suis le Ténébreux, le Veuf, l’Inconsolé, le Prince d’Aquitaine à la Tour abolie…

Philippe Toussaint


Cliquez ici pour retourner à la page-mère du Journal des procès…