Journal des procès n°244 (17 septembre 1993)

Apologue (fable présentant une vérité morale) de Kabylie. Une femme, enlevée de force, échappa à ses ravisseurs et rencontra un lion qui la prit sur son dos et la ramena sauve dans son village. Les amies de cette femme se réjouirent de la revoir et lui demandèrent qui l’avait sauvée ?
C’est un lion, répondit-elle. Il a été très bon pour moi mais a mauvaise haleine !
Les amies rirent sous cape mais le lion, qui était caché tout près de là, entendit le propos et n’en rit point. Une nuit, la femme se rencontra avec lui et le lion lui dit :
Prends un bâton et frappe-moi !
Non, répondit-t-elle, car un lion m’a rendu service, je ne sais si c’est toi ou un autre, car les lions se ressemblent tous.
C’est moi, dit-il. Frappe, et fort, ou je te mange !
La femme prit un bâton et le frappa si fort qu’elle le blessa.
Maintenant, tu peux partir, dit-il.
Plus tard, la femme et le lion se rencontrèrent à nouveau.
Regarde l’endroit où tu m’as blessé, dit le lion, est-il guéri ?
Il l’est, dit la femme, en caressant I’endroit.
Une blessure se guérit en fait souvent toute seule, dit le lion, mais
non le mal que fait une méchante parole.
Et alors il l’emporta et la mangea. Les lions sont des hommes et quand on dit qu’ils mangent des femmes, on entend qu’ils les prennent, mauvaise haleine ou pas, sur leur dos – la préposition “leur” laissant subsister un sérieux doute quant au dos de qui.

Philippe Toussaint


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