Journal des procès n°132 (24 juin1988)

Une trentaine d’œuvres de sculpteurs contemporains, belges pour la plupart, sont exposées en ce moment et jusque début octobre aux alentours du jardin des plantes médicinales de I’Université de Louvain-en-Woluwe, avenue Mounier à Bruxelles -et pour quelques-unes dans le jardin-même. Cela compose un lieu privilégié où I’on jouit d’une exaltation paisible et d’autant plus profonde. On y promène en quelque sorte son âme par la main entre l’herbe des collines ou les planches de géranium Robert, de lotier corniculé et le ciel.
Lieu de silence auquel invite souvent la sculpture mais aussi de plaisir partagé. On a envie d’y faire l’amour – ainsi qu’y incite également la sculpture qui est mariage de la matière et du beau.
La réflexion vient que la sculpture, jaillissement figé de sensations, est d’une étrange naissance puisqu’il s’agit d’ôter et non d’ajouter. On dépouille le bloc de pierre brut de ce qui masque l’oeuvre au lieu que le peintre ajoute de la couleur à une surface, le compositeur des notes au silence et l’écrivain des mots au vide papier – même s’il n’a de cesse, mais ensuite, d’en biffer le plus possible. Pas de repentirs possibles pour celui qui oeuvre ciseau et marteau en mains.
Toutes ces présences dans le jardin de I’U.C.L., issues du dépouillement de la
matière, nous changent fort des musées où I’on n’a rien de plus pressé que d’oublier les murs et les gardiens. Ici, l’air circule en grand. Grâce à la Communauté française, on nous dispense un catalogue gratuitement, dont on ne regrettera que la couverture à peine laide. Mais ce n’est qu’un détail dans ces instants de bonheur que le jardin des plantes médicinales de I’U.C.L. nous ménage comme un cadeau royal.

Philippe Toussaint


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