Journal des procès n°127 (15 avril 1988)

Il faut vivre avec son temps, même si on est mal fait à son époque et on n’évitera plus qu’à la télévision, phénomène envahissant par excellence, la publicité ne prenne une place de plus en plus indiscrète et grossière. Déjà, on nous I’impose ici et là à l’improviste, au beau milieu d’un film ou d’une émission quelconque, ce qui est illégal, mais tout se passe comme s’il était vieux-jeu de le faire remarquer.
Il est tout de même extraordinaire que personne n’ait tiqué à propos de l’interview “à domicile” – en l’espèce à l’Elysée – de François Mitterrand, coupée à deux reprises par de la publicité. “Et maintenant, Monsieur le Président, une petite pause.” Le Président de la République française acquiesce d’un battement de paupières et on nous apprend ce qui lave plus blanc que blanc.
Est-ce que la dignité de la magistrature suprême, qu’exerce en tout cas jusqu’au 8 mai prochain Monsieur Mitterrand, n’aurait pas dû lui dicter un refus, dut-on le qualifier de hautain, à cette condition publicitaire ?
Il est vrai que la grande majorité des Français le regardaient, sans compter quelques millions d’étrangers dans les pays où I’on peut capter cette chaîne. Quel public ! Quel marché ? Que d’argent ! On ne saurait lutter contre ça.
Il faut bien vivre avec son temps. Dommage que Monsieur Mitterrand, à qui nous I’avions demandé gentiment, n’ait pas voulu tenir, pendant son interview télévisée, un numéro du Journal des procès en main, lui qui le lit chaque quinzaine sans en sauter une ligne.

Philippe Toussaint


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