Journal des procès n°242 (25 juin 1993)

Tout le monde connaît la remarque, apparemment mais hypocritement incidente, il est permis de le croire, que fait Francis Ponge en introduction à son poème intitulé VERRE D’EAU. Les première et dernière lettres de VERRE D’EAU, note-t-il, sont les seules de l’alphabet qui soient en forme de vases. Sauf l’Y bien sûr, mais il n’est en somme qu’un I sophistiqué, donnant à penser, quand nous I’utilisons, que nous sommes des hellénistes.
Un esprit se voulant rationnel tranchera qu’il s’agit d’un hasard dont il serait abusif et même stupide de tirer rien qui vaille plus qu’un sourire. Mais c’est déjà beaucoup ! Si jamais un coup de dés n’abolira le hasard, celui-ci se fortifie étrangement de piquer notre curiosité. On en vient alors à se demander si, après tout…
Ainsi en va-t-il parfois des coquilles, clignotantes comme des clins d’œil. Lorsqu’une “dame de porcelaine” devient une “dame de percelaine’, on se prend à rêver : le joli mot que “percelaine”. Au delà de la coquille, lorsqu’on a composé “l’I.C.I.T.” pour “licéité”, on s’esclaffe. Les sigles envahissent tout ! Mais n’est-ce pas de nature à nous alarmer ? Le signe devient présage.
Autour et alentour des jeux de mots, ou de lettres, il y a davantage peut-être que des bévues, des maladresses fortuites ou des cocasseries comme si les faits sur lesquels on raisonne se vengeaient brusquement, d’être traités comme s’ils n’avaient pas d’âme. Rien n’est jamais vraiment innocent…

Philippe Toussaint


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