Rien n’est plus beau que la façade de la Badia Fiesolana, cette ancienne abbaye bénédictine romane de marbres blancs, gris et verts, à quelques kilomètres de Florence, devenue aujourd’hui le siège de I’Université européenne. L’équilibre de cette construction est fascinant car complexe. Ce n’est pas par hasard, par exemple, que dans le deuxième rectangle, à gauche, au niveau supérieur, se trouve un croissant de marbre vert, d’un vert qu’aucune reproduction ne trahit et comme on n’en trouve, je crois, qu’à Prato. A première vue, ce croissant est insolite, voire importun, tandis qu’il avertit en quelque sorte, comme parfois certaine note de musique longtemps gardée au début d’un morceau d’orchestre, isolée et initiatique. Ce croissant vert met l’accent sur le jeu des couleurs de la façade et sur le rythme d’autant plus savant qu’on le prendrait d’abord pour simple, presque enfantin, au lieu qu’il est possible de méditer devant la Badia Fiesolana jusqu’à se saouler de sa beauté, comme d’un poème mystérieux (tous les grands poèmes le sont) ou d’une musique, d’une mélodie qui, pour Lévi-Strauss, est l’ultime clef de l’homme.
Il suffit ensuite de faire quelques pas pour aller faire l’amour avec sa belle dans les fourrés, non sans découvrir de ces hauteurs de Fiesole, la vallée de l’Arno, la ville de Florence, la chaîne des Apennins et, dans le lointain, les montagnes de Carare. En un mot, là où il faisait si bon prendre ses vacances quand ce n’êtait pas encore hors de prix.
Philippe Toussaint
JOURNAL DES PROCÈS n°313
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