Journal des procès n°329 (13 juin 1997)

Cette enluminure du début de la Renaissance italienne, florentine en I’espèce, nous montre la Justice en gloire, tenant, on serait tenté de dire “exhibant”, un glaive et une balance. C’est encore ainsi qu’on la représente, quoique le plus souvent avec une balance à deux plateaux, appelant I’idée qu’on peut y mettre dans chacun le pour et le contre afin d’en faire la pesée et non, comme ici, une balance romaine, plus proche en somme, symboliquement, de la pesée des âmes après la mort dans différentes religions.

L’enluminure que nous avons jointe en dessous, qui est de la même époque, nous montre les effets de la Justice pénale, c’est-à-dire ce qu’on risque à enfreindre les lois ou les coutumes. Longtemps en effet, les peines ne furent réputées efficaces que si le peuple pouvait voir les châtiments, au nombre desquels I’humiliation publique. Comme de tout temps, on mettait aussi l’accent sur l’égalité dans ces représentations symboliques et que même un prêtre, par exemple, n’était pas à I’abri de la répression. C’était tout à fait inexact naturellement. D’une part I’Eglise revendiqua très tôt le droit exclusif de juger les siens, parfois sévèrement mais en secret, d’autre part il serait aisé de montrer combien certaines
classes sociales échappèrent à la répression.

Ce clerc tonsuré et cette jolie jeune femme étaient-ils censés avoir été pris en flagrant délit de fornication, comme tant de personnages de Boccace qui, au demeurant, pour son compte, n’en faisait point un crime mais, au contraire, si les sentiments des amants étaient sincères, et quelle que fût par ailleurs leur situation sociale ou d’état, avait plutôt tendance à murmurer “proficiat” !
Rien de nouveau sous le soleil à cet égard depuis le XIVème siècle, la morale de Boccace n’ayant pas une ride et s’opposant toujours à celle des cagots, des hypocrites et des justiciers par goût.

Philippe Toussaint


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