Pour la Défense et l’illustration du Haut Plateau
Hautes Fagnes : organe trimestriel de Défense et Illustration du Haut Plateau, publié par l’Association sans but lucratif “Les amis de la Fagne” (17ème année, n°2, 1951, fascicule XLII), sous la Présidence de M. Antoine Freyens, à Polleur, imprimé chez Jules Plumhans sprl à Verviers (près de l’école St-Antoine)…
Que le printemps l’éveille en de vertes poussées,
Ou que l’été la grille au soleil rutilant ;
Que l’automne l’émaille en des ocres foncées,
Ou que l’hiver l’endorme en son grand manteau blanc
LA FAGNE EST TOUJOURS BELLE !
Elisée HARROY, un des premiers chantres de la Fagne
Dans ce numéro : HOLLANGE Louis, La fagne aux sortilèges (pièce en 3 actes et en vers, création au Grand-Théâtre de Verviers le samedi 8 décembre 1945) :
En 1885, le postillon Wilhelm Steinberg, en service à la malle-poste Eupen-Malmédy, fait relais à chaque voyage à l’Auberge du Mont Rigi. C’est là qu’il rencontre Pauline Jentgès, jeune fille habitant Mont-Xhoffrais avec sa grand-mère. Pauvre et orpheline, Pauline s’est louée pour les travaux de l’auberge ; elle regagne chaque soir sa chaumière de Mont. Les jeunes gens ne tardent pas à s’aimer et à former des projets d’avenir.
A la même époque, Gilles Manfeld, un vieux herdier superstitieux et contrefait, fait paître son troupeau dans les fagnes du Haut Plateau. Gilles a remarqué Pauline ; peu à peu, il sent grandir en lui une passion insensée qu’avivent encore certains signes favorables qu’il croit avoir observés en Fagne. Chaque soir, il rôde aux abords de la route pour y voir passer Pauline ; celle-ci se sent vaguement surveillée ; elle a peur ; elle s’ouvre de ses craintes à Wilhelm qui la réconforte.
Cependant, Gilles Manfeld a surpris l’idylle des jeunes gens et il en éprouve une douleur profonde. Sous le coup de ses sentiments exacerbés, le herdier aborde la jeune fille, lui avoue son penchant et l’implore. Pauline, effrayée à la vue de ce vieillard disgracié, le repousse avec horreur ; tandis qu’elle s’enfuit, Gilles lui crie qu’il se vengera.
En août 1885, alors que des manoeuvres militaires amènent à l’auberge une foule bruyante, Gilles Manfeld se glisse inaperçu dans la grange et il se pend au brancard d’une charrette.
Peu de temps après sa mort, on constate des choses étranges : dans l’étable de l’auberge, les bêtes, paisibles d’habitude, s’inquiètent et s’affolent ; Blanc-Pi, le chien du berger mort, paraissant obéir à des ordres secrets, tente de ramener le calme parmi le bétail effrayé. Pauline devient triste et songeuse ; des visions la poursuivent. N’a-telle pas cru voir le spectre de Manfeld l’accompagner le soir, sur la grand’route ? Enfin, pour comble d’angoisse, des paysans entendent d’une hiette fantômale, la galopade nocturne : des piétinements, des cris, des bruits de sonnailles, des abois de chien ! C’est la vengeance de Gilles Manfeld, dont l’âme en peine hante les lieux de sa folie, avec un troupeau de cauchemar !
Et la légende prend corps : la hiette reviendra aussi longtemps que Pauline ne sera pas mariée et celui qui, en l’épousant, conjurera le mauvais sort, s’exposera à dépérir dans l’année.
Wilhelm Steinberg, qui apprend la fatale prédiction, espace ses visites à Pauline. Vers la fin de 1885, on ne le revoit plus sur le Haut Plateau. C’est pourquoi, d’après les vieux, la Fagne restera hantée ; c’est pourquoi Pauline restera fille dans l’attente vaine de son fiancé…
D’après Le Secret du Pendu d’Albert BONJEAN (Légendes et Profils des Hautes Fagnes).
Pour vivre le drame :