Journal des procès n°316 (13 décembre 1996)

Jacques Cujas, qui en réalité s’appelait Cujans et adjoignit sans vergogne un petit de à son nom, fut assurément le fils de ses œuvres. Son père était un très modeste artisan bien incapable de suffire à la dépense des études de son fils. C’est en autodidacte que Jacques Cujas apprit le latin et le grec. Il éblouit pourtant quelques lettrés qui le prirent sous leur protection et lui permirent de se consacrer au droit romain dont il fut le premier à donner des versions rigoureuses, les juristes de l’époque ayant la fâcheuse habitude d’interpréter les Institutes en fonction des causes qu’ils défendaient. C’est ainsi qu’on le tient encore aujourd’hui pour le plus illustre représentant de l’école dite historique. On le surnommait au XVIème siècle le Prince des romanistes, et nul doute en effet qu’il était savantissime.

Loisel, qui fut un de ses disciples les plus spirituels, nous a laissé des notes piquantes sur Cujas, nous le montrant rampant sur le plancher de sa soupente, nu milieu d’un fouillis de livres, manuscrits ou imprimés, trouvant chaque fois sans coup férir l’ouvrage qu’il cherchait et grommelant alors sa joie en un latin ou un grec recherché. Loisel ajoute qu’il était sale comme un peigne et puait fort “non rien que de la bouche”, et Pierre Poithou, un autre de ses disciples, qui publia son immortel mais un peu négligé de nos jours Tractatus ad Africanum, Recitationes solemnes, Observationum et emandationum, affirme que sa barbe était pleine de poux.

Il ne paraît pas douteux néanmoins que Cujas aimait le droit romain parce qu’il le tenait pour un droit juste et qu’outre son érudition vertigineuse, c’était un humaniste, crasseux mais d’âme pure.

Philippe Toussaint


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Journal des procès n°320 (7 février 1997)

La miniature que nous reproduisons en couverture de ce numéro est extraite du Livre de l’Institution et de la Chose publique, ouvrage publié au XIVe siècle et dont nous ne saurions trop vous recommander l’achat si vous le trouvez dans quelque marché aux puces à un prix inférieur à un ou deux millions [de francs belges]. Ce livre qui fut acquis en son temps par presque tous les grands commerçants, c’est-à-dire par ceux qui font habituellement des actes de commerce, avait pour ambition de prémunir ses lecteurs contre les difficultés en matière de négoce dans des pays où les lois et les usages étaient particuliers. Il se lit aujourd’hui encore passionnément dans la mesure où ces lois et ces usages ne tombaient jamais du ciel mais au contraire sortaient de terre (ou des mers), correspondant à de lentes maturations qui, en définitive, font les civilisations. Dis-moi comment tu vends et comment tu acquières, je te dirai qui tu es…

Ce commerçant qui échange un sac de pièces de monnaie contre un billet qu’il glisse dans le creux de la main de son client devait non seulement avoir une preuve qu’il lui avait remis I’argent mais encore qu’il le lui avait remis selon les usages dont on sait qu’en droit commercial, ils ont toujours été d’une grande importance. Ce n’était pas une mauvaise idée peut-être d’illustrer ces choses, de les enluminer, c’est-à-dire de les éclairer par des images et ne pourrions-nous rêver de livres de droit qui, aujourd’hui encore, n’auraient pas la sécheresse de textes en quelque sorte coupés de la réalité diverse et poétique du monde, un peu comme ce demi-dieu grec qui ne retrouvait force et vigueur qu’en touchant terre !

Philippe Toussaint


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Arduina n°2 (magazine, 1997-1998)

195 FB / 33 FF / 11 FL : des francs belges ou français, des florins, c’est la marque d’une autre époque. On la trouve au pied de la couverture de l’éphémère magazine Arduina, dont trois numéros seulement nous sont parvenus (merci à notre regretté collaborateur David Limage pour cela). La collection est néanmoins complète comme cela et restera disponible dans les ressources de notre documenta.wallonica.org


Dans le même fonds…

JANSSENS L. : L’organisation professionnelle des Maîtres-Menuisiers de Bruxelles à travers les âges (catalogue de l’exposition, 1988)

Ce catalogue a été édité à l’occasion de l’exposition “L’organisation  professionnelle des Maîtres-Menuisiers de Bruxelles à travers les âges“, organisée par l’Association des Maitres-Menuisiers de Bruxelles et Halle-Vilvoorde, avec la collaboration de la Kredietbank, dans la salle d’exposition de la Kredietbank T’Serclaes, 22, Montagne-aux-Herbes-Potagères, 1000 Bruxelles (8 – 22 juin 1988).

  • © Luc Janssens
  • Traduction : Patrick Thonart
  • Éditeur responsable : Jan Leyssens, rue Jules Broeren 14 – 1070 Bruxelles

FLUIDE GLACIAL n°93 : les bonnes feuilles (mars 1984)

Début 1975 paraît le dixième numéro de L’Écho des savanes, le dernier auquel Gotlib contribue. Avec son ami Jacques Diament et le dessinateur Alexis, il lance alors un nouveau magazine satirique, Fluide glacial. Le premier numéro paraît le 1er mai 1975. Initialement conçu comme un trimestriel, Fluide glacial devient mensuel dès 1976. À la fois auteur et rédacteur en chef, Gotlib rassemble autour de lui une équipe d’artistes dont il se sent proche : Alexis, Forest, Masse, Solé, bientôt suivis par Binet, Edika, Goossens, Gimenez, Franquin, Moebius, Bretécher, Dister, Fred, Loup, Pétillon, auxquels s’ajouteront de nombreux jeunes auteurs, dessinateurs ou écrivains, dont Léandri, Frémion ou Jean-Pierre Jeunet.

Plutôt que de les livrer aux souris, nous publions dans la documenta les bonnes feuilles des numéros que nous avons pu sauver. Ici, le numéro 93, paru en mars 1984. Voici donc :

Les trois premières pages du numéro, avec le sommaire

LELONG, Carmen Cru, les huîtres


COUCHO, Le Banni

EDIKA, Rue Saint-Denis

BINET, Les Bidochon en voyage organisé

Visiter le site commercial du magazine…
  • Pour les collectionneurs, les archives complètes de Fluide Glacial ont été scannées par BEDETHEQUE.COM.

Arduina n°1 (magazine, 1997-1998)

195 FB / 33 FF / 11 FL : des francs belges ou français, des florins, c’est la marque d’une autre époque. On la trouve au pied de la couverture de l’éphémère magazine Arduina, dont trois numéros seulement nous sont parvenus (merci à notre regretté collaborateur David Limage pour cela). La collection est néanmoins complète comme cela et restera disponible dans les ressources de notre documenta.wallonica.org


Dans le même fonds…

WESH MAG n°1 (2021)

Paru en mai 2021, WESH MAG n°1 est la première édition du magazine (fanzine) de la Maison de Jeunes du Thier-à-Liège : “Ce magazine est le fruit d’une demande des jeunes de la Maison de Jeunes. Ils/ elles voulaient pouvoir s’exprimer et vous faire vivre un petit brin de vie au sein de leur MJ…
© MJ Thier


Commander un exemplaire
du Wesh Magazine

 

Journal des procès n°507 (23 septembre 2005)

BROUILLET, André : La petite fille en rouge © DP

À quoi ou qui rêve cette petite fille peinte en rouge dans un écrin de fleurs vives par un certain André Brouillet (1857-1914) en 1895 ? Son immense chapeau lui-même évoque une corolle, par exemple celle d’un œillet, en anglais carnation, ce même mot signifiant dans notre langue la couleur de la chair. Le visage de la fillette semble être de porcelaine, semblable à celle dont étaient faites les têtes des poupées des gamines habitant les beaux quartiers de jadis. Le peintre lui a demandé de poser, cela se devine à son regard et à la manière hiératique dont elle tient son cerceau. Derrière ce regard, toutefois, l’on devine qu’il y a bien un rêve d’enfant, des images qui immobilisent le jeune modèle de l’intérieur comme le regard du peintre l’a immobilisé de l’extérieur.
Rêvons à notre tour : on peut imaginer que la petite fille est devenue d’abord une demoiselle courtisée par de riches prétendants, et qu’elle a épousé ensuite l’un d’entre eux, un officier fringant tué dans les premiers jours de la Grande Guerre.
Juste avant sa mort, le même André Brouillet aura pu peindre, posé par le même modèle, une Jeune femme en noir, dont le regard portera toute la tristesse du monde.
On ne rêve pas que de choses gaies. Si, comme l’écrit Renan, il arrive que la vérité soit triste, il en va de même du rêve. Alors que le Journal des procès tire (provisoirement, qui sait ?) sa révérence, on trouvera que le rêve qui passe dans les yeux de la petite fille en rouge était peut-être rien moins que joyeux. Mais, quoi qu’il en soit, cela ne devrait pas nous empêcher de continuer à rêver. Il ne faut jamais cesser de rêver.

Philippe Toussaint


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Journal des procès n°096 (12 décembre 1986)

“Celui-là, vous le tenez. Vous le tenez à la gorge !… Vous  pouvez I’envoyer à la guillotine…”

Nous citons de mémoire les premiers mots de la plaidoirie de l’avocat Badinter, il y a quelques années, (si peu !…) pour Patrick Henry, assassin d’un jeune garçon qu’il avait enlevé pour rançonner ses parents. Crime tellement odieux que le procès n’en avait plus qu’un sens : pour ou contre la peine de mort.

Cette peine, avait plaidé Robert Badinter, et il devait tenir parole comme ministre de la Justice, sera abolie ! Quelques-uns d’entre-vous ont des enfants. Ils vous demanderont, plus tard : ‘Tu étais juré au procès de Patrick Henry ?’ et alors, vous verrez leur regard !

Chantage. Terrorisme. Infernale pression exercée sur d’honnêtes citoyens, mais la défense a tous les droits, I’horreur de la peine de mort justifie tout ! Ce chantage, ce terrorisme, pourtant, aujourd’hui se retournent. Au procès d’Action directe, à Paris, l’un des accusés menace de mort jurés et magistrats, paralysant la Justice, chaque juré – qui pourrait exiger d’eux un courage civique proche de l’héroïsme ? – s’éclipsant.

On ne reconnaît plus l’arbre à ses fruits. Le ver est dans tous les fruits quand on adopte certaines méthodes.

Philippe Toussaint


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Journal des procès n°317 (27 décembre 1996)

Voici venu le temps des baisers, donnés on dérobés, jamais volés, baisers de l’an toujours nouveau que cette enluminure du XIIIe siècle nous restitue et nous annonce tout à la fois. Rien n’a changé, ni la fringante ardeur de qui donne ou dérobe, ni la réserve étonnée mais non surprise de la dame, ni le regard réprobateur de la vioque (il y a aussi des viocs !) dont on peut s’amuser à deviner ce qu’elle confie à sa voisine. Est-ce : “Il aurait pu se raser de plus près !” ou “Mais ma parole, il bande !“, ou encore : “Moi qui vous cause, les hommes, je sais ce qu’en vaut l’Aune !” ?

Nos souhaits aux lecteurs du Journal des procès s’inspireront de cette belle image (censée représenter Sainte Hélène qui aurait été une fille d’auberge, pour qui le père de l’empereur Constantin appéta vivement, l’épousant sur l’heure après lui avoir fait troquer le coutil contre du brocart, et lui faisant dare-darc un joli petit enfant, lequel… Voyez les Bollandistes !)

Embrassez-vous, embrassez-vous, il en restera toujours quelque chose de supérieurement estimable ! Ne craignez point les regards de ceux que vitupérait avec tant de raison Georges Brassens, car les baisers donnent immanquablement une petite gueule bien sympathique…

C’est l’époque, c’est l’heure, c’est l’instant où les rois mages n’apportent pas seulement de l’or, de la myrrhe et de l’encens, toutes choses périssables et négligeables, mais une hotte de baisers donnés ou dérobés : échangés, c’est encore mieux !

Philippe Toussaint


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